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Le pape François face à" l'ingénieur spirituel qui veut manipuler."

Notre rubrique ne saurait être utilisée pour accuser nommément et sans nuances aucun mouvement, aucune communauté, et encore moins celles qui justement ont fait avancer canoniquement la réflexion sur le sujet et que l'on retrouve bizarrement mises dans le même sac par des " accusateurs/polémiqueurs" mal informés et qui n'hésitent pas à accuser des saints canonisés, bien plus fiables qu'eux-mêmes.... Le rôle de juger sur pièce revient à d'autres lorsque la sainteté n'est pas encore reconnue, ( nous conseillons en ce sens la réflexion profonde et positive du livre de Mgr Tony Anatrella sur le sujet ( " Développer la Vie communautaire dans l'Eglise"). Notre rubrique veut offrir un espace libre de réflexion et de confiance dans l'Eglise.



Le lavage de cerveau théologal

Le pape François face à" l'ingénieur spirituel qui veut manipuler."
Discours du pape au CPCS ( Conseil Pontifical pour les Communications Sociales) et discours à l'université de Cagliari.

Le site Saint Joseph du Web dénonce souvent ces manipulations "bourrages de crâne", tentations des chrétiens en mal de formation au goût du jour et proies faciles. En parallèle de cette dénonciation de " l'ingénieur spirituel qui veut manipuler " ( que l'on pense au psycho-spirituel, au coach spirituel, axs énéagrammes spirituels et autres "ingéniereries " dont sont bombardés ceux qui sont en recherche,) merci au Pape François d'élever la voix et de proposer autre chose. 


"L’attention et la présence de l’Eglise dans le monde de la communication sont importantes, pour dialoguer avec l’homme d’aujourd’hui et l'amener à aller à la rencontre du Christ, mais cette rencontre avec le Christ est une rencontre personnelle. On ne peut pas la manipuler. A l’heure actuelle, nous avons une grande tentation dans l’Eglise, c’est le "harcèlement" (« acoso » ) spirituel: manipuler les consciences; un lavage de cerveau théologal qui finit par porter à une rencontre avec le Christ purement nominaliste, et non avec la Personne du Christ vivant. Dans la rencontre d’une personne avec le Christ, il est question du Christ et sa personne! Pas ce que veut l’ingénieur spirituel qui veut manipuler. Voilà le défi. La conduire à cette rencontre avec le Christ mais en ayant conscience que nous sommes des moyens et que le problème de fond n’est pas d’acquérir des techniques sophistiquées, même si celles-ci sont nécessaires pour une présence actuelle et valable. Qu’il soit bien clair en nous que le Dieu auquel nous croyons, un Dieu passionné de l’homme, veut se manifester à travers nos moyens, même s’ils sont pauvres, car c’est Lui qui œuvre , c’est Lui qui transforme, c’est Lui qui sauve la vie de l’homme." Le pape François au CPCS

Le mélange de techniques ultra-performantes et de sciences sociales séduisantes a donné à l'Eglise ces plus grands scandales récents. Les réponses données ainsi aux croyants sont formées de techniques rassurantes, de légalisme ( voir l'entretien donné aux Jésuites) plaqué sur la morale ou bien sur des techniques et des analyses issues du Nouvel-âge, les mots techniques remplaçant l'Evangile , d'où l'expression utilisée par le pape François de tentation du nominalisme. Le Christ est vidé de sens car il n'est plus une Personne mais une pseudo-science. Dans cette faille se glisse alors les manipulateurs techniciens de l'esprit...

Conséquences : la tentation de la " clé apocalyptique"

Les mots à la mode...et les techniques qui remplacent l'Evangile
Les mots à la mode...et les techniques qui remplacent l'Evangile
Dans son discours à Cagliari, le pape continue sur le même thème :
 

"2. Face à cette réalité quelles sont les réactions ? Revenons aux deux disciples d’Emmaüs: déçus face à la mort de Jésus, il se montrent résignés et ils essaient de fuir la réalité, ils quittent Jérusalem. On peut lire ces mêmes attitudes en cette heure historique. Face à la crise il peut y avoir de la résignation, du pessimisme face à toute possibilité d’intervention efficace. En un certain sens il s’agit d’un « appel à sortir »  de la dynamique qui anime le tournant historique actuel, en dénonçant ses aspects les plus négatifs, avec une mentalité proche de celle qui caractérisait ce mouvement spirituel et théologique du IIème siècle après Jésus-Christ et que l’on appelle « apocalyptique ». Nous avons cette tentation, de penser en « clef apocalyptique ». Cette conception pessimiste de la liberté humaine et des processus historiques conduit à une sorte de paralysie de l’intelligence et de la volonté. La désillusion conduit aussi à une sorte de fuite, à rechercher des « îlots » ou des moments de répit. C’est quelque chose qui ressemble à l’attitude de Pilate, de s’en « laver les mains ». Une attitude qui apparaît « pragmatique », mais qui, en réalité, ignore le cri de justice, d’humanité et de responsabilité sociale et conduit à l’individualisme, à l’hypocrisie, sinon à une sorte de cynisme.

C’est la tentation que nous avons, si nous prenons ce chemin de la désillusion ou de la déception."

On trouve cette réaction chez les déçus des manipulateurs, ceux qui ont quitté des communautés tombés sous le joug de techniciens manipulateurs de tous poils...pensons par exemple aux Légionnaires du Christ er à leur management impeccable du point de vue technique et communications modernes....et au désastre spirituel engendré par les manipulations du fondateur. La réaction de la désillusion conduit à quitter l'Eglise, à êtree somme toute victime jusqu'au bout du manipulateur...


La réponse du pape François à l'université : au pas du pélerin

"3. Alors demandons-nous: Y a-t-il une voie que nous puissions parcourir dans cette situation? Devons-nous nous résigner ? Devons-nous nous laisser assombrir l’espérance ? Devons-nous fuir la réalité ? Devons-nous nous « laver les mains » et nous replier sur nous-mêmes ? Non seulement je pense qu’il y a une voie à parcourir, mais que le moment historique que nous vivons nous pousse précisément à chercher et à trouver des chemins d’espérances, qui ouvrent de nouveaux horizons à notre société. Et ici le rôle de l’université est précieux, car elle est un lieu d’élaboration et de transmission du savoir, de formation à la « sagesse » dans le sens le plus profond du terme, d’éducation intégrale de la personne. Dans cette optique, je voudrais offrir quelque bref élément de réflexion.

a. L’université comme lieu de discernement. Il faut lire la réalité, c’est important, en la regardant en face. Les lectures idéologiques ou partielles ne servent pas, elles ne nourrissent que l’illusion et la désillusion. Lire la réalité mais aussi vivre cette réalité, sans peurs, sans fuites, et sans catastrophismes. Toute crise, même la crise actuelle, est un passage, le travail d’un accouchement qui comporte fatigue, difficulté, souffrance, mais qui porte en elle l’horizon de la vie, d’un renouvellement, porte la force de l’espérance. Et cela, ce n’est pas une crise de « changement », c’est une crise de « changement d’époque », ce qui change, c’est une époque : ce ne sont pas des changements périodiques superficiels.

La crise peut devenir un moment de purification, pour repenser nos modèles économiques et sociaux et cette conception du progrès qui a nourri  nos illusions, pour récupérer l’humain dans toutes ses dimensions. Le discernement n’est pas aveugle, ni improvisé: il se réalise sur la base de critères éthiques et spirituels, il implique que l’on s’interroge sur ce qui est bon, en se référant aux valeurs qui caractérisent l’homme et le monde, soit à une vision de la personne dans toutes  ses dimensions, surtout spirituelle, transcendante ; on ne peut jamais considérer la personne comme « du matériel humain » ! C’est là peut-être la proposition cachée du « fonctionnalisme ».

b. L’Université comme lieu de « sagesse » a une fonction très importante pour former au discernement pour nourrir l’espérance. Quand le voyageur inconnu, qui est Jésus Ressuscité, accoste les deux disciples d’Emmaüs, tristes et inconsolables,  il n’essaie pas de cacher la réalité de la crucifixion, de l’apparente défaite qu’il a provoqué leur crise, au contraire il les invite à une lecture de la réalité pour les guider à la lumière de sa Résurrection: « Vous n'avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent … Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24,25-26). Faire un discernement signifie ne pas fuir, mais lire sérieusement, sans préjugés, la réalité.

c. Un autre élément : l’université comme lieu où élaborer la culture de la proximité. La culture de la proximité : c’est une proposition. La culture du voisinage. L’isolement et le repli sur soi ou sur ses propres intérêts ne sont jamais la voie à suivre pour redonner l’espérance et opérer un renouvellement, mais la proximité, la culture de la rencontre. Isolement non, proximité oui. Culture de l’affrontement non, culture de la rencontre, oui. L’Université est le lieu privilégié où l’on encourage, enseigne et vit cette culture du dialogue, qui ne nivelle pas les différences et les pluralismes de manière indiscriminée  - un des risques de la mondialisation -, ni les extrémise en les faisant devenir un motif d’affrontement, mais ouvre à la confrontation constructive. Cela signifie comprendre et mettre en valeur les richesses de l’autre, en le considérant non pas avec indifférence ou avec crainte, mais comme un facteur de croissance. Les dynamiques qui règlent les relations entre les personnes, les groupes, les nations, ne sont souvent pas des relations de proximité, de rencontre, mais d’affrontement. Je me réfère encore au passage évangélique. Quand Jésus s’approche des deux disciples d’Emmaüs, il partage leur route, écoute leur lecture de la réalité, leur déception, et dialogue avec eux; de cette façon-là, précisément, il rallume la flamme de l’espérance dans leurs cœurs, ouvre de nouveaux horizons qui existaient déjà, mais que seule la rencontre avec le Ressuscité permet de reconnaître. N’ayez jamais peur de la rencontre, du dialogue, de la confrontation, même entre universités. A tous les niveaux. Ici nous sommes au siège de la faculté de théologie: permettez-moi de vous dire: n’ayez pas peur de vous ouvrir aussi aux horizons de la transcendance, à la rencontre avec le Christ ou d’approfondir la relation avec Lui. La foi ne réduit jamais l’espace de la raison, mais l’ouvre à une vision intégrale de l’homme et de la réalité, et elle est un rempart contre le risque de réduire l’homme à « du matériel humain ».

d. Un dernier élément: l’Université comme lieu de formation à la solidarité. Le mot solidarité n’appartient pas seulement au vocabulaire chrétien, c’est un mot fondamental du vocabulaire humain. Comme je l’ai dit aujourd’hui (cf. Zenit  du 23 septembre 2013, discours aux personnes en situation de précarité, ndlr), c’est un mot qui, dans la crise d’aujourd’hui, risque d’être effacé de nos dictionnaires.

Le discernement de la réalité, en assumant le moment de crise, la promotion d’une culture de la rencontre et du dialogue, orientent vers la solidarité, comme élément fondamental pour un renouvellement de nos sociétés. La rencontre, le dialogue entre Jésus et les deux disciples d’Emmaüs, qui rallume la flamme de l’espérance et renouvelle le chemin de leur vie, conduit au partage: ils le reconnurent lorsqu’il rompit le pain. C’est le signe de l’Eucharistie, de Dieu qui se fait si proche en Jésus qu’il devient une présence constante, qu’il va jusqu’à partager sa vie."


Nous avons essayé de mettre en regard des passages de ces deux discours, mais il est indispensable de les lire en entier car le Pape François propose peu à peu des solutions tout en évitant les écueuils des extrêmes et des pièges actuels. Il se trouvera des lectures tronquées pour faire dire par exemple qu'il n'y a plus besoin de se former face aux dérives nominalistes et intellectualistes et qu'il suffit de revenir sur le terrain pastoral...mais François a un discours bien plus élaboré qui plonge aux racines de l'espérance.


Mardi 24 Septembre 2013
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