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L'abus de pouvoir spirituel.

For interne/externe : distinguer pour mieux coordonner...notre rubrique ne saurait être utilisée pour accuser nommément et sans nuances aucun mouvement, aucune communauté, et encore moins celles qui justement ont fait avancer canoniquement la réflexion sur le sujet et que l'on retrouve bizarrement mises dans le même sac par des " accusateurs/polémiqueurs" mal informés. Le rôle de juger sur pièce revient à d'autre). Notre rubrique veut offrir un espace libre de réflexion et de confiance dans l'Eglise.



Premier stade : vérifier la légitimité de l'autorité!

L'abus de pouvoir est une prise d'autorité excessive, ou usurpatrice. Ce n'est pas réservé à une catégorie ( religieuse ou non) de personnes mais une tentation liée à tout exercice d'autorité.

Dans le domaine de l'accompagnement spirituel, la légitimité de l'autorité ( et donc de l'obéissance) ne peut se passer de l'usage de la raison , laquelle cherche la vérité et donc a un rôle primordial. Il y a donc des lois et des règles qui régissent l'accompagnement , elles sont salutaires et ne consistent pas en une accusation des personnes, mais en des principes préventifs, en une protection élaborée par l'expérience de l'Eglise. ( Notamment le droit canon, le droit interne des Instituts, etc). Aujourd'hui, l'usage de la psychologie aide à discerner les abus au niveau des personnes, mais malheureusement, souvent lorsque le mal est fait et qu'il faut y remédier, avec, en l'absence de formation aux règles de base, une atmosphère de suspiscion portée aussi sur ceux qui obéissent à l'Eglise dans l'exercice de leur autorité. 

Comment discerner ceux qui exercent légitimement leur autorité ( et peuvent être accusés de manipulation perverse par les désobéissants!) de ceux qui abusent de leur pouvoir ou bien l'ont usurpé ?

Une obéissance ordonnée.

Ne pas laisser l'intrus prendre le pouvoir, le repérer et le renvoyer à son propre domaine!
Ne pas laisser l'intrus prendre le pouvoir, le repérer et le renvoyer à son propre domaine!
L'obéissance à l'autorité légitime porte toujours un fruit naturel, et surnaturel même quand l'autorité se trompe. Car cette autorité n'a pas usurpé son rôle, ni demandé quelque chose de contraire à son rôle de bien commun, au moins dans l'intention même en cas d'erreur. Il n'y a donc pas abus de pouvoir, mais parfois seulemement erreur. A cette autorité, on peut obéir en toute confiance, sachant que Dieu, par sa Providence, rattrappera les erreurs et donnera sa grâce autant à la personne ayant autorité qu'à ses subordonnés.

L'obéissance spirituelle est donc positive et source de sanctification dans ces cas. Mais pour être bien ordonnée, elle doit avoir vérifié la légitimité de l'autorité. 

 

Une autorité est toujours limitée à son domaine propre.

C'est une règle qui fonde le principe de subsidiarité, et qui permet de discerner les abus de pouvoir, lesquels sont graves en matière d'accompagnement car ils gênent l'action de l'Esprit Saint. et le progrès spirituel. Gare à celui qui tyrannise les âmes, disait saint Jean de la Croix!
Essayons concrètement d'appliquer à l'accompagnement spirituel le discernement de l'autorité exercée et des limites de son domaine propre à ne pas transgresser sous forme d'abus divers :

-Un prêtre qui se sert de ce qu'il sait en confession pour diriger une communauté, abuse du pouvoir de confession. C'est le mélange du for interne sacramentel et du for interne non sacramentel, ce " dépassement" des limites de son autorité de confesseur en intervenant dans un autre domaine, l'organisation au for externe d'une communauté, est un abus de pouvoir. L'aspect nocif de cet abus, même si le prêtre est dans l'ignorance de son erreur, se fera sentir dans des dissencions communautaires et la perte de confiance.

-Autre abus : un prêtre, accompagnateur spirituel ( et non confesseur, mais ce serait encore plus grave pour le confesseur), gère concrètement le for externe de la personne dans sa vie communautaire ou familiale. Par cet autre type de mélange, il sort de son domaine, l'accompagnement spirituel, pour exercer une autorité dans un domaine où il y a d'autres autorités légitimes qu'il va contrecarrer, surtout si l'accompagné l'informe de façon partiale ou interessée. Sortant de sa compétence spirituelle, il va s'imposer comme une autorité sur-ajoutée et intrusive, cause là aussi de dissentions et d'erreurs. Son autorité, le droit canon le rappelle, ne peut s'exercer qu'au for interne. ( Canon 131)

-Troisième domaine de confusion possible : l'accompagnement psychologique joint à l'autorité spirituelle. Acquérant une autorité et un ascendant psychologique sur l'accompagné par une autorité " technique", " thérapeutique", l'accompagnateur spirituel abuse de son autorité spirituelle pour sur-ajouter une autorité d'un autre ordre sur son accompagné. Avec ou sans diplômes de thérapeute, l'usurpation vient d'un sur-ajout, d'une autorité non légitime, quand bien même l'accompagné, non prévenu des risques de ce mélange, l'aurait autorisé en toute bonne foi ou bien le lui aurait demandé lui-même.

En effet, l'autorité que l'on accorde à autrui sur soi-même doit veiller à garder les acteurs de cette autorité dans leur domaine, c'est la raison ici qui fait autorité! On ne confie pas une opération du coeur à un spécialiste du pied, et sa vie spirituelle à un psychologue, etc! 

L'ami, conseiller, prêtre ou revêtu d'une autorité : ne pas glisser vers la dérive sectaire!

L'abus de pouvoir spirituel.
Attention à ne pas donner aux amis, quelle que soit leur qualification et la profondeur de l'amitié, une autorité qu'ils n'ont pas à exercer. Ainsi, un ami appartient au for externe par sa présence dans le cercle proche de vie et sa connaissance des relations familiales ou amicales. Il ne peut se voir conféré une autorité d'intervention dans la vie concrète intime, familiale, communautaire. Son rôle est dans le conseil discret, la prière, le soutien, mais pas de s'ingérer. Entre son conseil et celui d'un véritable accompagnateur légitime, il faudra suivre l'autorité légitime! Un véritable ami, accompagnateur spirituel restant bien dans son rôle, ne commet pas d'abus de pouvoir et ne se sert pas de son autorité pour transformer ses accompagnés en " longua manus" pour tout diriger concrètement, et satisfaire ses propres intérêts ou son orgueil personnel.Au contraire, l'amitié de l'accompagnateur spirituel authentique est discrétion, gratuité, humilité, prière, offrande spirituelle, sacrifice, bref, un vrai service spirituel et uniquement spirituel.

Le cas fréquent du prêtre, conseiller spirituel, qui devient un ami exige de bien maintenir son autorité et son intervention dans les limites de son rôle d'accompagnateur. S'il se met à intervenir dans les relations, dans la vie concrète, où même à jouer un rôle dans les conflits conjugaux, familiaux, il perd son autorité spirituelle d'accompagnateur au for interne ( pas son rôle d'ami) car il n'a plus d'objectivité, ni de liberté. Pourquoi? Parce que, quand il prend parti dans le conflit conjugal, ou dans tout autre conflit, à tort ou à raison, mais forcément dans l'optique partielle de son accompagné, il sort de sa grâce d'accompagnateur spirituel. S'il veut rectifier une erreur, nuancer une prise de position, ses prises de positions sont devenues publiques, il est donc ligoté par ce qu'il a pu dire, faire, écrire, auprès des proches de son accompagné. Comment remédier à cette erreur dans ce cas?

L'accompagné doit impérativement prendre un autre accompagnateur spirituel, et l'ami " accompagnateur spirituel" précédant, accepter de ne plus avoir une autorité qui est en réalité devenue excessive et abusive. La dérive due au mélange des fors fausse peu à peu le jugement : quand bien même le jugement et le discernement de l'accompagnateur " abusif" est droit dans d'autres domaines, la perte d'objectivité due à l'amitié portée à l'accompagné fait aussi de cet ami accompagnateur un " manipulé" potentiel, et à son tour un "manipulateur"... Les dégâts involontaires qu'il produit alors sont catastrophiques pour son accompagné et son entourage. L'accompagnateur manipulé par son accompagné devient peu à peu abusif et manipulateur lui aussi malgré son désir généreux de faire le bien et l'amitié devient complicité, entêtement dans l'erreur, perte du discernement objectif... en effet, lorsqu'il veut revenir à un rôle plus objectif, l'accompagnateur qui a mélangé les fors est facilement " culpabilisé" par son accompagné (e) duquel il ne parvient plus à se dissocier. C'est dans ce cadre que l'on a pu dire que le diable peut utiliser des gens de bonne volonté et de bons chrétiens en usant de leur générosité mal formée et mal informée en ce qui concerne les règles de l'accompagnement spirituel et de la simple prudence. Même les meilleurs amis peuvent se tromper de bonne foi. Mais s'ils restent dans leur domaine, ils ne feront pas tant de dégâts.

Quand l'accompagnateur abusif n'est pas à l'origine carrément interressé et de mauvaise foi! Relire Tartuffe, élément indispensable de la formation en accompagnement spirituel!

Ce genre d'abus spirituels, par manque de formation sur le mélange des fors ou par orgueil, lorsqu'il est sacerdotal, peut devenir extrêmement grave, avec des conséquences douloureuses entraînant des souffrances inutiles, des dégats humains et spirituels, des révoltes pouvant provoquer rupture avec l'Eglise lorsque l'abus est démasqué suite à ses conséquences désastreuses et aux souffrances engendrées. Seul le pardon et l'offrande rédemptrice peuvent permettre de dépasser les conséquences de cette forme d' abus de pouvoir par le mélange des fors plus fréquente qu'on ne pense et qui fait entrer certains prêtres  ou responsables dans des dérives sectaires.

Ainsi il est indispensable que les prêtres et accompagnateurs soient aujourd'hui formés par rapport à la loi et au droit des dérives sectaires, notamment la loi  loi ABOUT PICARD 12 juin 2001 Article 223-15 du Code Pénal :
" Si le parlement n’a pas voulu aller jusqu’à sanctionner en droit pénal la manipulation mentale, il a tout de même introduit la notion d’abus de faiblesse qui « réprime l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’un mineur ou d’une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie ou d’une infirmité. Il protège aussi désormais la personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour la conduire à des actes ou à des abstentions qui lui sont gravement préjudiciables ». 


 

La dérive sectaire d'un groupe, d'une association ou d'une communauté.

Dans l'Eglise, le droit canon a posé des barrières protectrices contre les dérives sectaires, observées depuis longtemps par le biais des visites canoniques épiscopales ou bien de supérieurs religieux. Il suffit de se reporter au droit canon dans la partie concernant la vie consacrée ou le fonctionnement d'une paroisse, d'un diocèse, etc, pour voir que des règles d'admission aux règles de sortie, tout est fait pour préserver le plus possible des dérives. Encore faut-il faire connaître le droit canon et ses bienfaits aux fidèles afin qu"ils puissent s'y référer et avoir accès à ce trésor de sagesse irremplaçable.

Il est urgent dans l'Eglise de former les fidèles à une obéissance ordonnée, basée sur la raison, animée d'esprit surnaturel, capable de respecter l'autorité légitime pour le bien immense qu'elle fait, capables de discerner les abus de pouvoir en les comparants à l'autorité légitime, celle qui permet de grandir spirituellement en accordant foi et raison. La formation des accompagnateurs spirituels doit inclure des notions précises de séparation des fors en préventif et de psychologie de l'emprise mentale, de droit des dérives sectaires pour aider à remédier aux abus et de droit ecclésial, ce dernier étant aussi un solide ancrage théologique et évangélique, notamment depuis la réforme de 1983, basée sur l'ecclésiologie de communion de Vatican II.

Les dérives sectaires sont-elles le fait de la " secte" Eglise ?

Enfin, en dernier lieu, il est important de souligner l'enjeu des réformes canoniques empêchant le mélange des fors et les abus de pouvoir dans les structures d'Eglise, car une forme agressive de laïcisme anti-catholique peut utiliser ces péchés et ces scandales pour assimiler médiatiquement et injustement l'Eglise entière à une secte. La lutte étatique contre les dérives sectaires peut devenir un cheval de Troie pour attaquer l'Eglise dans son ensemble en utilisant précisément ceux qui lui désobéissent. 

Répétons-le, les sectes ne peuvent pulluler qu'en l'absence de droit, ce qui n'est pas le cas de l'Eglise catholique. Certes, l'Eglise peut reconnaître des " dérives sectaires en son sein", elle peut et doit surtout reconnaître et repérer des désobéissances et des péchés en son sein. L'Eglise reconnaît donc des pécheurs en son sein, mais aussi d'innombrables saints, d'innombrables oeuvres saines ( et saintes) au service du bien commun. Ce sont ces derniers qui sont l'Eglise, car ils ne lui désobéissent en rien et acceptent de se réformer : Ecclesia semper reformanda.

 Attention donc à ne pas se faire ultimement et injustement amalgamer avec les vraies sectes et dérives sectaires. Le phénomène n'est pas nouveau, La chrétienté d'Antioche citée dans les Actes des apôtres était déjà calomniée et accusée des pires dérives sectaires ( " les adorateurs de l'âne et massacreurs d'enfants") et un certain Irénée de Lyon avait déjà cerné le problème : abus de pouvoir et hérésies vont ensemble. 

 

Mardi 3 Juillet 2012
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