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For interne, for externe : le psy chrétien complice des mélanges?



Le for interne psychologique et une nouvelle forme d'abus de pouvoir intra-écclésiale

Bien sûr, il ne s'agit pas d'attaquer les psychologues chrétiens ou non. Il s'agit de soulever un "lapin" qui n'est pas un lapin de Pâques. le psy (psychologue ou psychiatre, ou assimilé) dispose d'une autorité technique. Il peut en imposer, et lui aussi abuser d'une certaine autorité. Notamment s'il conseille des évêques ou des supérieurs ou des responsables de communautés nouvelles. 
Voyons un premier degré de mélange du for interne psychologique avec le for interne spirituel et le for externe : le "psy" va partager un diagnostic. Et ce diagnostic va entraîner des décisions au for externe chez des responsables ecclésiaux. S'il n'y a pas une nette séparation et coordination des fors, un abus de pouvoir peut se mettre en place qui implique deux niveaux d'autorité : celui du "responsable ecclésial" sur lequel se superpose celui du "psy". Si le psy se trompe ou abuse de son pouvoir, s'il diagnostique trop vite, ou superficiellement, il ajoute l'autorité médicale à l'abus possible de pouvoir des supérieurs.

L'abus de pouvoir communautaire et les sessions de guérison

On a assisté dans les années 2010 à une explosion exponentielle de ces abus "couplés" d'autorité : le gourou fonde ou soutient des formations de guérison, il s'associe avec des psychologues/psychiatres et il envoie, avec l'appui de l'autorité morale et médicale de ces derniers, ses victimes (ou tout résistant) se soigner dans la structure qu'il manipule. 
L'Eglise a un peu fait le ménage depuis. Mais cela ne suffit pas, car la racine, le mélange des fors et le cumul des autorités, doit être assaini, expliqué et intégré de toute urgence au droit canon.

Le "syndrome du gourou formateur"

Avec certains scandales précis, on a découvert que les gourous aimaient beaucoup enseigner l'art de discerner! ( voir par exemple le cas Annatrella). Effectivement, la manipulation la plus invisible est celle qui enseigne, sous couvert de diplôme, de notoriété, de réseau catho. Jésus a mis en garde : "faites ce qu'ils disent, ne faites pas ce qu'ils font". Comment discerner un abus d'autorité qui cumule le spirituel et le psychologique? Premièrement, repérer les gourous formateurs. Font-ils ce qu'ils disent? Il faut donc enquêter! Et se séparer des gourous, quitte à devoir reconnaître avoir été trompé. 
Et si on trouve un formateur qui est cohérent avec son enseignement, veiller à ce qu'il ne développe pas de star systeme...

Le principe de confidentialité

A la base du mélange du for interne et du for externe, spirituel comme psychologique, il y a le non respect du principe de confidentialité. Voici ce principe :
" Ce qui est su de façon confidentielle à propos des personnes ne doit pas pouvoir être utilisé ni rapporté au gouvernement de ces mêmes personnes de quelque manière que ce soit. Ces mêmes personnes sont les seules à pouvoir lever la confidentialité qui les concernent."

Notons que chaque mot compte et qu'il faudra revenir sur les nuances pour ne pas accuser trop vite de non respect du principe de confidentialité des structures qui ne sont pas toutes identiques. Il s'agit surtout d'identifier dans chaque structure les garde-fous bien posés et ceux qui le sont moins bien ou carrément pas du tout.

La bonne volonté ne suffit pas pour respecter ce principe, il faut ajouter la prudence et les garde-fous structurels. Beaucoup de mini-gourous ( celui qui sommeille en chacun de nous en sait quelque chose) se trouvent pris dans l'engrenage du péché de toute-puissance à cause des circonstances : on peut parler d'imputabilité par omission de la diligence requise. 

Un exemple paroissial : ne jamais avoir recours au psy local ou ami, ou membre du réseau ecclésial commun

Imaginons un psychologue ami d'un évêque et paroissien d'un prêtre. L'évêque le questionne sur l'état mental d'u prêtre. Le diagnostique fuse, entre deux partes, entre amis. Le prêtre peut être dans deux situations : n'avoir rien demandé, et être victime d'une concertation " dans son dos". Cela se produit malheureusement très souvent, et engendre des pertes de confiance graves. Un supérieur ne doit jamais s'adresser à un psy "local", afin d'éviter les mélanges et surtout d'éviter de commettre un double abus de pouvoir : ajouter l'autorité médicale indue et hors consultation en bonne et due forme.
De plus, il peut exister des médecins psy/manipulateurs, ce fut le cas par exemple d'un co-fondateur des Béatitudes, diacre, laïc et depuis sous sanction canonique.

Solution : le droit canon doit réguler les recours au psy pour éviter l'abus d'autorité

Un prêtre a dû un jour s'opposer à trois autorités abusives à la fois : son supérieur, le psy paroissien local et l'évêque. Les deux autres ecclésiastiques l'ont obligé à " consulter" le psy qui assistait à sa messe chaque jour! Et en se concertant, les trois l'ont mis en situation d'abus. On connaît dans l'histoire récente ecclésiale des drames ayant abouti à des décompensations psychologiques, allant parfois jusqu'au suicide : l'abus d'autorité qui ne laisse aucun échappatoire aboutit à l'injonction contradictoire : "on veut t'aider, mais en abusant de toi". Précisons ici que l'important ici n'est pas de savoir qui a raison ou tort, qui est malade psychologiquement ou non, mais d'empêcher préventivement le cumul d'abus d'autorité et ses conséquences dramatiques.
Le droit devrait prévoir une formation de toute autorité ecclésiale sur ce sujet : si un problème se présente, toute consultation doit respecter le principe de confidentialité. Il doit être impossible à l'autorité d'utiliser dans son gouvernement les éléments confidentiels d'une consultation. Il doit être impossible d'imposer le choix du praticien. Et la liberté d'accepter un suivi doit être régulée pour éviter à la fois l'abus de pouvoir et l'aggravation de la santé de la personne en difficulté de santé psychologique. C'est un équilibre extrêmement délicat : l'Eglise ne fait que découvrir les protocoles à mettre en place et visiblement ils ne sont pas encore au point. 
Ce n'est pas pour rien si dernièrement, le droit a fait un net et clair premier pas dans la bonne direction : les laïcs dirigeants des structures ecclésiales répondront désormais de non dénonciation d'abus comme les religieux. 

 

Le motu proprio " Vos estis lux mundi", évolutif?

En effet, le 25 mars 2023, le texte sur les abus dans l'Eglise, " Vos estis lux mundi" a été considérablement amendé, enrichi et élargi aux laïcs. Le texte avance peu à peu vers une définition de l'abus de pouvoir dans l'Eglise. Il part des drames d'abus sexuels et s'élargit : il s'agit d'une jurisprudence qui est intégrée bien plus rapidement dans le droit canon. Ce texte ne s'en prend pas uniquement au cléricalisme et aux abus de prêtres. Il vise désormais les associations de laïcs, communautés nouvelles, lieux d'innombrables abus. Il comble un vide juridique qui empêchait les victimes d'être entendues à Rome. Voici une petite ligne qui témoigne d'une jurisprudence galopante, de l'intégration des scandales récents et de procès retentissants à venir :

f) fedeli laici che sono o sono stati Moderatori di associazioni internazionali di fedeli riconosciute o erette dalla Sede Apostolica, per i fatti commessi durante munere. ( les fidèle laïcs qui sont ou ont été modérateurs d'associations internationales de fidèles reconnues ou érigées par le Saint Siège devront répondre des faits commis sous leur mandat).

Voici le lien vers le texte en italien et vers un article de la Croix.
On n'y parle pas encore du lien avec la psychologie, mais les scandales des Foyers de Charité, des Béatitudes, et les mélanges for interne/ for externe des communautés nouvelles sont désormais intégrés dans la réflexion. Et tout psy chrétien devrait répondre désormais aussi au moins de sa rigueur dans le non mélange des fors.

Comme le dit l'article, fini l'impunité des clercs et des laïcs, les "psy" chrétiens y compris.  

AC

Samedi 1 Avril 2023
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