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Résiliente et femme de foi : Dinah, une femme bafouée, survivante et sauvée



Dinah, violée, à l'origine d'un massacre et destinée à l'Egypte

"Rappelons brièvement les faits, relatés au chapitre 34 de la Genèse. Dina, la fille de Jacob et de Léa, est capturée et violée par Sichem, le prince de la cité ; celui-ci s’éprend d’elle et se rend auprès de Jacob et de ses fils pour demander sa main. Les fils de Jacob, usant de ruse, acquiescent à cette demande, à la condition que Sichem et tous ses sujets mâles se soumettent à la circoncision, faute de quoi ils reprendront Dina et s’en iront. Sichem accepte, enthousiaste, convainc son peuple de se plier à l’exigence des Hébreux. Mais Siméon et Lévi, mettant à profit l’état de faiblesse où se trouvent les habitants après la circoncision collective, se ruent sur la ville, massacrent sa population, répondant à la réprobation de Jacob par la phrase : "Devait-on traiter notre sœur comme une prostituée ?"


Il est facile de tenir un langage de vengeance entre les sexes, suite à des viols et des abus. Le désir de justice est légitime :  Comment prendre en compte une théologie féminine qui ne dresse pas hommes et femmes les uns contre les autres?

L'histoire de Dinah dans la Genèse est celle d'un viol, d'une tentative de résolution à l'amiable (par un mariage) suivi d'une tromperie et d'un massacre. Ce schéma se retrouve dans bien des traditions religieuses non bibliques. Il se retrouve dans bien des drames intimes! Alors, quel est l'apport biblique? On peut regarder la série "The Red Tent", qui explore cette histoire de résilience de Dinah en s'appuyant sur les middrash et la Bible, avec un regard en fait contemporain sur le respect dû à la femme. La Bible sous entend elle ce regard de résilience et de dignité de la femme?

Il n'est pas dit assez à notre goût moderne sur le vécu de Dinah dans la Bible. Ce qui nous laisse à notre réflexion. Et il est urgent que les femmes théologiennes et bibliste s'en emparent. Cependant, un indice de taille indique l'espérance et la résilience de Dinah : elle sera parmi ceux qui iront en Egypte et retrouveront Joseph, le fils jalousé et trahi devenu intendant de Pharaon. Et Jacob réprouve la traitrise de ses frères. L'histoire de Dinah rejoint celle de Joseph, elle est citée nominalement parmi ceux qui iront en Egypte (Genèse 46, 15).

Joseph et Dinah, et la concubine du lévite, même combat?

Comment prendre en compte les victimes non résilientes? 
Le Bible nous indique deux drames sans issus suite à un viol, et une voie d'espérance autre à travers l'histoire de Joseph. Ce dernier est conduit par la Providence de Dieu pour sauver son peuple. Les deux drames sans issus sont ceux des massacres relatés dans la Genèse suite au viol de Dinah et dans le livre des Juges suite à un viol encore plus abominable (si on peut faire une gradation?)  : il s'agit du drame de la concubine du lévite, racontée au livre des Juges, chapitre 19 et 20. Le récit, vraiment épouvantable, relate une perversion de tous les acteurs du drame, et une victime qui ne se relèvera pas : la concubine, violée, finira dépecée et envoyée en morceaux à chaque tribu d'Israël... S'ensuit un jugement qui condamne la tribu de Benjamin, coupable du viol, à l'extermination. Cette extermination n'épargnera qu'un dixième de la tribu de Benjamin, in extremis. De quoi réfléchir sur les conséquences de la justice des hommes malgré la très légitime colère et l'indispensable prise en compte de l'horreur des faits. Cette voie terrible de vengeance et de justice, d'extermination, est contrebalancée dans le récit biblique par le salut donné en Egypte où se rendra Dinah (pour la Genèse), et par la figure de Deborah au livre des Juges : le salut donné par Dieu réprouve le mal mais ouvre des voies providentielles différentes, respectueuses de la femme et permettant une saine relation. 

Lorsque Dinah arrive en Egypte auprès de son frère, Joseph, elle devient une image liée à l'histoire de Joseph et ses frères et soeurs d'un autre salut : Dieu prévoit de sauver ce peuple rebelle et pécheur. Joseph est l'anticipation du Christ. N'oublions pas qu'il était le préféré de Jacob, né de Rachel, et que Dinah est l'unique fille de Jacob née de Léa. Dinah et Joseph sont frère et soeur dans l'épreuve et dans le salut.

L'expression "Joseph et ses frères" doit donc être complétée par un "women gaze" en "Joseph et ses frères et soeurs". Le men gaze ( regard masculinisant) consiste actuellement en littérature et au cinéma à débusquer les angles d'approche et de langage trop masculins. Par exemple lorsque la caméra subjective oublie de montrer les femmes ou bien les montre sous un jour érotisé ou rabaissé. Dans la théologie, le men gaze n'est pas mauvais : il est incomplet. 

Il est important aussi de voir la duplicité du langage des frères de Dinah : ce sont eux qui traitent leur soeur comme une prostituée, en détruisant l'amour mal commencé mais réel du mariage promis. Leur but est la guerre et une conquête territoriale. Pour un peu, ils utiliseraient cet argument que l'on retrouve aujourd'hui dans sa fausseté : " la victime était consentante, non?". Je l'ai entendu récemment encore chez un bon catholique, mais dont la misogynie relève de la même duplicité. Franchement, relisez le terrible épisode de la concubine du lévite et trouvez une once de consentement de la victime... c'est impossible. Les éléments de langage qui enferment la victime (quel que soit son sexe, d'ailleurs) dans une voie sans issue indiquent une complicité avec le mal. Jacob ne cessera de rappeler à ses fils leur péché, et Dieu le fera plus puissamment encore, tout en préparant un véritable Salut. C'est le "God's gaze"!

Joseph et Dinah, frère et soeur survivants et images de retournement de situation

Dans les drames actuels, les victimes trouvent en Joseph et Dinah et dans la résilience biblique un chemin de justice, de relèvement, de retournement de situation. Le Christ parachève ce chemin par sa croix et sa Résurrection. Plutôt que l'élimination des coupables, leur retournement par la résilience des victimes, par la foi. Oui, Dinah est bien une femme de foi, très proche de son frère Joseph grâce à qui elle échappe à la famine. Voilà pourquoi la Bible a gardé sa mémoire, non pas comme victime d'un drame mais surtout comme femme sauvée
L'autre victime, la concubine du Lévite, n'a même pas de nom : mais ne représente-t-elle pas tant de victimes anonymes que Dieu écoute et surtout sauve en envoyant plus que Joseph, mais le Fils de Marie, Jésus ?

AC

Mardi 11 Avril 2023
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