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Confidence pour confidence...

For interne/externe : distinguer pour mieux coordonner...notre rubrique ne saurait être utilisée pour accuser nommément et sans nuances aucun mouvement, aucune communauté, et encore moins celles qui justement ont fait avancer canoniquement la réflexion sur le sujet et que l'on retrouve bizarrement mises dans le même sac par des " accusateurs/polémiqueurs" mal informés. Le rôle de juger sur pièce revient à d'autres, ( nous conseillons en ce sens la réflexion profonde et positive du livre de Mgr Tony Anatrella sur le sujet ( " Développer la Vie communautaire dans l'Eglise"). Notre rubrique veut offrir un espace libre de réflexion et de confiance dans l'Eglise.

9) Mélange des fors interne et externe = conflits! Il est merveilleux de pouvoir se confier, mais indispensable de mettre quelques garde-fous ( au cas où l'on croise effectivement un gourou fou bien caché), mais aussi pour éviter une source de conflit méconnue et qui fait des ravages, celle qui mélange les niveaux de confidentialité et que l'on appelle " mélange des fors interne et externe" en termes spécialisés. Explications ci-dessous!



Confidentialité et gestion des conflits

 Confidence pour confidence...
En accompagnement spirituel, comme en accompagnement psychologique, le conflit tient une grande place. La psychologie aidera à " gérer les conflits", tandis que la foi aidera à pardonner. Ce sont deux niveaux différents, la gestion du conflit pouvant être par exemple dans une même fratrie face à un même problème totalement différente selon les personnes et les situations, et le pardon peut être effectif chez chacun, malgré des stratégies de gestion du conflit différentes. L'accompagnement spirituel ne va donc pas entrer dans la gestion du conflit en soi, mais suggérer autant que faire se peut le pardon et la prière. Il ne revient pas à l'accompagnateur spirituel de dire les modalités de réconciliation concrètes, mais d'aider le coeur de l'accompagné à rester ouvert à toute perspective concrète de réconciliation qui se présenterait en entrant dans la démarche spirituelle du pardon. Le psychologue, lui, aidera à l'intelligence des relations et à comprendre et intégrer leur complexité dans une histoire personnelle.
L'accompagnateur spirituel, comme le psychologue ( et pourquoi pas l'avocat, parfois le notaire, le médecin!) sont donc au courant des faits que partage l'accompagné. Ils sont dans le for interne, tenus à la plus stricte confidentialité. Chacun à son niveau, selon sa compétence et son rôle, aide dans la gestion du conflit.

Confidentialité à plusieurs niveaux : attention danger.

Que se passe-t-il si un accompagnateur entre dans la confidentialité à plusieurs niveaux, c'est-à-dire s'il aide à gérer les aspects concrets et confidentiels d'une situation. Par exemple, si l'accompagnateur spirituel est dans la confidentialité des comptes bancaires de son accompagné ? s'il suggère des placements ( même pour des bonnes oeuvres, et plus risqué encore, ses bonnes oeuvres à lui?) S'il connaît les drames familiaux et leur histoire au même titre que le psychologue? Cette confidentialité à plusieurs niveaux le place en situation de gourou d'une part, mais aussi de future défiance de la part de son accompagné, surtout si la confidentialité est rompue par une maladresse ou un recoupement de situation de la part de l'accompagné ou de son entourage qui commencera à redouter une influence aussi globale.

Par exemple, un membre de famille apprend que l'accompagnateur spirituel conseille un membre de la famille dans les comptes bancaires ( héritages, dons, etc) : aussitôt apparaît, quelle que soit la qualité de l'accompagnateur, le soupçon et la prise de parti. Voilà l'accompagnateur pris dans le conflit, parfois impliqué bien malgré lui et dans une situation où il est difficile de rester objectif et impartial. Il est donc indispensable de ne pas mélanger les niveaux de confidentialité, et de ne pas être impliqué dans les conflits des accompagnés, et pour cela, il est indispensable de ne pas faire partie de leur entourage quotidien et de n'avoir aucun " pouvoir" concret de décision.

Trahison ou mélange des fors interne et externe?

L'accompagnateur spirituel, plus encore que le psychologue, peut devenir un ami, une personne proche entre le confident, le guide, parfois le modèle spirituel. La confidentialité de ce qui est partagé est d'autant plus essentielle que l'accompagnateur spirituel représente une relation privilégiée à Dieu. S'il manque à la confidentialité, le rapport affectif au for interne deviendra d'autant plus conflictuel au for externe s'il y a imbrications des situations et responsabilité hiérarchique cumulée avec l'accompagnement. Tout manque à la confidentialité, ou tout soupçon de risque de manque à cette confidentialité sera vécu comme une trahison. On voit ainsi des conflits naître spécialement lorsqu'il y a mélange des fors interne et externe, sans pour autant qu'il y ait eu trahison. Simplement, la difficulté de garder la confidentialité dans un milieu commun à l'accompagnateur et à l'accompagné ( communauté, association, apostolat commun, paroisse) est bien grande.

C'est la raison majeure pour laquelle l'Eglise demande que les confesseurs ne soient pas les supérieurs de communauté, par exemple. Car dans un moment de fatigue, il est possible de "lâcher" une appréciation, un jugement, un détail qui vient de la confession et non pas de la vie communautaire. Quand cela se produit, l'impression de trahison peut être immense, surtout sur les jeunes vocations. Plus dangereux encore, les conflits communautaires et personnels qui impliquent des personnes reliées les unes aux autres par la confidentialité de l'accompagnement spirituel ou psychologique, comme on le voit dans certaines communautés qui ne respectent pas la séparation des fors et des types d'accompagnement demandée par Rome. Ainsi, au moment d'une prise de décision communautaire, l'accompagnateur au plan psychologique  ou spirituel peut donner un conseil qui laisse comprendre, volontairement ou bien involontairement, le type de blessure confidentielle de la personne, personne dont il est question au for externe, et que lui connaît au for interne. Si cela revient aux oreilles de l'accompagné, ( et malheureusement, dans les communautés en situation de conflit, ce genre de manquement à la confidentialité devient argument pour l'esprit de parti), le sentiment de manipulation et de trahison sera immense. Nous citons ici le précieux document de 2005 de ce qui est devenu le comité d'accompagnement pour les communautés nouvelles :
 

(...)Il faut interdire qu’une même personne exerce envers une autre :
- et une fonction de thérapeute 
- et une fonction spirituelle, qui plus est, hiérarchique.

Cette nécessaire séparation des fonctions vise à empêcher une emprise et une manipulation inconsciente des personnes, les aliénant à un seul, mis alors en situation et en position de gourou. De plus, le psychothérapeute sera toujours choisi en dehors de la communauté.

Texte rédigé, en avril 2005, à l’attention des Supérieurs d’Instituts de Vie consacrée et des responsables de Communautés nouvelles et sous la responsabilité des président(e)s des instances suivantes :

- Commission épiscopale pour la vie consacrée

- Comité épiscopal pour le Renouveau1

- Conférence française des Supérieures Majeures

- Conférence des Supérieurs Majeurs de France

- Service des Moniales

1 Ce comité est devenu en 2006 le « Groupe d’accompagnement pour le Renouveau » au sein du Conseil pour les mouvements et associations de fidèles).
 


Mélange des fors, conflits et diabolisation.

 Confidence pour confidence...
On assiste dans les milieux qui mélangent for interne et externe, spécialement au niveau des accompagnateurs, des formateurs ( maîtres et maîtresses des novices, etc), à la naissance de conflits irréductibles dont les raisons profondes remontent à un ou des manquements à la confidentialité, ou à des pressions pour obtenir la fameuse " ouverture du coeur". Proche des dérives des sectes, ces manquements sont avant tout des erreurs dans les modalités d'accompagnement au for interne et externe. Lorsqu'il ne s'agit " que" de cela, le pardon, les mises ou point, les explications peuvent permettre de comprendre et de réduire les conflits, avant que les accusations de toute sorte ne viennent brouiller les pistes.

Un symptôme du mélange des fors se reconnaît lorsque des personnes proches ( trop proches) de leur accompagnateur se mettent à accuser de " prise de pouvoir". Coincé au for interne, l'accompagné réagit au for externe, mais de façon brouillée et floue, car il ne sait trop comment dire pourquoi il ne se sent plus en " sécurité" dans l'accompagnement. Une peur diffuse de voir surgir au for externe ce qu'il a confié au for interne gêne sa liberté, car souvent l'accompagnateur exerce aussi sur lui une responsabilité hierarchique de gouvernement, qui exige une double dépendance et obéissance.

Dans les milieux où les fors sont ainsi mélangés, les conflits tournent facilement à la diabolisation : derrière l'accusation d'esprit de pouvoir se trouve le malaise structurel dû au mélange des fors interne et externe. Si diabolisation il y a , elle est plus dans ce mélange que dans une réelle " attaque" démoniaque. Une séparation nette des fors interne et externe fait alors disparaître les motifs d'accusation et ramène la paix, au moins dans les structures ecclésiales, et si possible dans les coeurs atteints par ce type de conflits.

Burn-out et séparation des fors.

Lorsqu'une personne accompagnée au for interne et externe par la même " autorité" n'arrive pas à sortir du conflit intérieur que cela peut engendrer ( perte de liberté, confusion entre le spirituel et le psychologique au point de ne plus avoir si c'est elle qui a " un problème" ou si elle est victime du démon -diabolisation de la situation dans ce qu'elle a d'inextricable), cette personne court le risque d'un burn-out qui n'est pas spirituel mais un épuisement intérieur et extérieur. En effet, lorsqu'on a un accompagnateur spirituel extérieur à la situation, on peut se confier à lui et sortir ainsi du vase-clos des problèmes rencontrés dans la vie quotidienne. Mais si cet accompagnateur spirituel est lui-même impliqué dans la situation dont on a besoin de sortir, et représente même une autorité décisonnelle au for externe...il ne reste plus qu'une fuite dans le travail apostolique sans plus se confier en vérité. Les burn-out de ce type se rencontrent dans les communautés qui ne séparent pas les fors. 

Réponses structurelles et personnelles au problème de la séparation des fors.

La longue expérience de l'Eglise dans ce domaine a forgé le droit canon et certaines congrégations sont plus attentives que d'autres à la séparation des fors, en particulier l'école sulpicienne autour de Monsieur Olier. Le droit canon rappelle cette obligation de séparer les fors, les saints et l'Eglise le mette en pratique dans différentes structures ecclésiales. C'est une des raisons d'être des consititutions religieuses qui doivent veiller particulièrement sur ce point. Il semble que le XXème et le XXIème siècles soient confrontés plus particulièrement à l'urgence de redécouvrir cette sagesse de l'Eglise et de la mettre en pratique, afin de lutter contre l'influcence des sectes dont la particularité est de " totaliser" entre les mains d'un seul " accompagnateur-gourou"  tous les aspects de la personnalité de l'accompagné. De plus en plus doivent se mettre en place des services d'accompagnement spirituel ecclésiaux respectant la séparation de la responsabilité spirituelle et de la responsabilité de gouvernement au sein des communautés et associations de fidèles. 

Il est important aussi d'informer les fidèles sur la manière dont ils doivent se faire accompagner, en gardant esprit critique et liberté de choix, et en ne remettant pas entre les mains d'une personne unique tous les aspects de leur personnalité et de leur vie, mais en séparant bien les domaines et en confiant leur vie spirituelle selon la prudence ecclésiale de la séparation des fors.

Mardi 11 Octobre 2011
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