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Existe-t-il une incardination pour l'Ordre des vierges ?



L'appartenance à l'Eglise et au diocèse

Certains textes, tous d'autorité partielle car diocésains ou ad experimentum, témoignent de cette question : quand elle reçoit la bénédiction des vierges, la femme dont le célibat pour le Royaume est ainsi officiellement reconnu, est-elle liée au diocèse comme l'évêque, les prêtres, les diacres?

Pour les évêques, il est naturel d'appliquer ce modèle à l'Ordo antique des vierges. Il en serait de même pour l'ordre des veuves. Cette logique remonte aux premiers temps de l'Eglise et possède de nombreuses racines théologiques à travers la constitution des Ordo primitifs de l'Eglise. 

L'apostolat "en plein monde"

Cependant, la bénédiction dans l'Ordo virginum n'est pas de même degré que celle des évêques, prêtres et diacres. Elle est bien liturgique mais elle n'est pas sacramentelle. De plus, la vierge vit sa consécration (plus exactement la consécration de son célibat pour le Royaume) "en plein monde". Elle est séculière ou laïque : elle ne dépend pas financièrement du diocèse comme les prêtres, elle ne reçoit pas de salaire. Les différents vademecum français et italiens ont bien souligné ce point : elle est une laïque qui doit s'assumer entièrement. Selon les écoles, on la dit séculière ou bien laïque, mais sur le terrain, elle est "en plein monde", sans la sécurité d'un institut ni celle du denier de l'Eglise. Si elle est salariée d'un diocèse, c'est en tant que laïque avec une indispensable lettre de mission. 

L'apostolat de la vierge " en plein monde" nécessite une grande souplesse dans le domaine professionnel. Elle peut donc être amenée à changer de lieu selon son travail. Il semble peu envisageable pour une femme adulte (comme cela le serait pour un homme laïc!) de soumettre ses choix professionnels et ses lieux d'habitation à son évêque! Ainsi, l'évêque se doit d'être très prudent dans la concertation "professionnelle" avec une vierge qui désire quitter un diocèse pour un autre. Si la profession n'a pas de lien avec le diocèse de départ comme d'arrivée, la vierge doit être certaine de pouvoir répondre aux opportunités professionnelles sans être entravée par son évêque; les conséquences financières et humaines relèveraient alors de l'évêque, ce qui est impensable. Elle doit en revanche le tenir au courant des aspects spirituels de son changement de diocèse et écouter attentivement l'avis de l'évêque si celui-ci requiert ses services

Le lien avec l'évêque

Mais attention, l'évêque ne doit en rien intervenir au for interne de la vierge consacrée, élément que le vademecum des vierges de France indique avec clarté. "L'évêque ne doit pas être le directeur, l'accompagnateur spirituel, le confesseur des vierges de son diocèse". Le lien avec l'évêque est donc au for externe et uniquement en ce qui concerne un apostolat ecclésial officiel. La vierge consacrée peut tout à fait n'avoir aucun apostolat officiel et être intensément et concrètement apôtre! C'est même une des spécificités de l'ordre des vierges de pouvoir mener un apostolat là où les instituts et les religieuses ne peuvent aller. Comme toute laïque, la vierge garde la liberté de ses initiatives apostoliques "non officielles". Bien sûr, dès que son apostolat est pris en charge par le diocèse, elle entre dans une obéissance hiérarchique, mais ceci en vertu de son statut de laïque et de sa lettre de mission.

Le service de l'Eglise

Pour revenir à la question de l'incardination de la vierge dans un diocèse, le mot est provocateur : il n'appartient qu'au sacerdoce. D'après le droit canon (canon 604), la vierge entre au service ( source du mot sacerdoce) de l'Eglise. Ce service est d'abord spirituel : dans la prière, puis apostolique. Son service apostolique "en plein monde" se concrétise dans un diocèse. Elle même puise dans le diocèse et le lien avec l'Eglise et l'évêque l'énergie et la joie de son apostolat, qu'il soit visible ou caché. Elle peut bien plus facilement qu'un prêtre rejoindre un autre diocèse pour des raisons de travail, de santé, de famille et concrétiser dans ce nouveau diocèse son appel "en plein monde". C'est pour manifester cette concrétisation qu'il est demandé d'inscrire la vierge sur le registre de l'Ordo virginum du diocèse d'arrivée. Le nouvel évêque étendra sa sollicitude épiscopal à la vierge consacrée arrivante en lui ouvrant les portes du diocèse. Il peut aussi ouvrir les portes d'un apostolat officiel, toujours avec lettre de mission et si cela convient. Et la vierge peut librement refuser ou accepter, après avoir consulté son accompagnateur spirituel (for interne). Une fois encore, sa liberté est celle d'une laïque, et non pas celle d'une religieuse ou d'une séculière vivant en institut ou en communauté. 

Le mot "séculière" s'applique en effet non pas à la vierge en plein monde mais aux membres laïques de instituts séculiers ou de certaines communautés nouvelles. Techniquement, la vierge consacrée n'appartient pas à la vie consacrée, même si elle vit le célibat pour le Royaume. Les évêques vivent aussi le célibat consacré, mais n'appartiennent pas à la "vie consacrée"! Les prêtres séculiers sont appelés ainsi pour les distinguer des prêtres religieux. Nous revoici sur le modèle cléricaliste qu'il convient de ne plus appliquer à la vierge en plein monde : elle n'est pas "incardinée", elle n'est pas "séculière" d'un institut, elle est bel et bien laïque. Son service est "en plein monde".  On peut l'appeler séculière par comparaison à l'intérieur de l'Ordre des Vierges avec certaines vierges vivant en monastères et recevant la consécration. Les vierges religieuses/moniales dépendent de leur supérieure et de leur institut. La vierge en plein monde, laïque, dépend canoniquement de son évêque.

 

La communion avec l'évêque et le diocèse

Si on continue le raisonnement, la vierge "en plein monde" devient une religieuse quand le regroupement des vierges donne naissance à une communauté, un institut, un monastère. C'est ce que l'histoire a démontré. La branche historique des vierges monastiques recevant la bénédiction liturgique montre que cette vocation possède deux aspects : en instituts (vie consacrée) et en "plein monde" (laïque). Les regroupements de vierges relèvent depuis le 11 février 2022 de l'évêque du lieu par l'adjonction d'un nouveau paragraphe au canon 604. C'est en partie pour différencier la vierge en plein monde de la vie consacrée en instituts. Le motu proprio Competentias quasdam decernere retire donc implicitement une compétence à la congrégation pour la vie consacrée pour la donner explicitement à l'évêque local : il s'agit de la compétence d'ériger les associations de vierges en plein monde. C'est un grand pas dans la reconnaissance de l'aspect "en plein monde" et diocésain de l'Ordre des vierges.

Si le regroupement implique un institut, les vierges concernées dépendront de la congrégation pour la vie consacrée, et ne relèveront plus de l'évêque. Si le regroupement respecte la vie "en plein monde" et sans en faire une vie religieuse hybride, l'évêque n'aura pas pour autant une sorte de monastère personnel autour de lui (cette erreur fut fréquente au 4e siècle, entraînant le scandale des vierges "subintroductiones", aux liens ambigus avec l'évêque). Il aura un Ordre des Vierges en plein monde faisant, en communion avec lui, un apostolat discret et efficace auprès des gens de son diocèse et plus largement, au service de l'Eglise.

AC

Mercredi 6 Avril 2022
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