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Saint Carême et quatrième âge



L'adolescence de la vieillesse

Quarante ans au désert, quarante jours pour aller vers la Résurrection... Le quatrième âge est un carême, avec la résurrection au bout! Mais il me semble que pour comprendre cela, il faut foncer vers l'obstacle : la grande peur de notre époque concernant le vieillissement, plus encore que la peur de la mort. Dans nos Ephad, les personnels soignants sont plus proches parfois du sens chrétien de la résurrection que nous le pensons, car ils côtoient au quotidien les misères du vieillissement et les apprivoisent avec des tendresses de mère... et des rudesses de matrones qui cachent cette même tendresse. 
Il nous faudrait dès l'âge de quarante ou cinquante ans apprivoiser notre peur de l'inconnu et traverser notre désert : à l'adolescence de la vieillesse, prendre l'habitude de visiter nos personnes âgées, les sortir de leur isolement, défaire notre crainte et affronter les couloirs des maisons de retraite!

Un effort de carême : écouter les personnes âgées et les personnes atteintes d'Alzeimer

La certitude de la Résurrection est la force qui maintient les bras de Moïse face aux Amalécites : quand Moïse prie et a les bras levés au ciel, la bataille est gagnée. Quand il baisse les bras, la mort l'emporte. Notre effort de carême ne devrait-il pas être de visiter, écouter, cesser d'isoler les personnes perdues dans le temps et l'espace, mais pas dans leur coeur?  Ne baissons pas les bras! 
On cesse de craindre ce qu'on connaît. Ces personnes vulnérables du quatrième âge, nous les laisserions sans les écouter? Dans la démarche synodale, les plus "perdues" (il ne s'agit pas de pécher chez elles, mais de notre péché à nous qui les ignorons) marchent avec nous. Elles marchent vers la Résurrection et nous devancent. J'en connais qui oublient tout, date, lieu, âge, mais jamais le chemin de la chapelle. Et même quand elles l'oublient, elles le demandent humblement. C'est nous qui sommes à la traîne. Les laisser sans les visiter, sans les écouter, c'est rester seuls dans le désert de notre dureté.

" N'ayez pas peur!"

Un sourire, une présence, un moment gratuit, à la mesure de nos forces et possibilités, même si la conversation est déroutante, et c'est une fécondité secrète qui éclaire une âme. Et si nous retrouvions la joie d'être déroutés, justement? Déroutés de nos train-train qui esquivent la vieillesse, déroutés de nos peurs qui évitent toute allusion à la mort et du coup perdent de vue la Résurrection?
Bonne et sainte entrée en carême, transformons cette traversée du désert en oasis de tendresse, en moments d'échanges ( mêmes absurdes, comme cela vient de m'arriver, car ce qui compte c'est le temps offert, pas forcément la logique des propos). N'oublions pas néanmoins que désert il y a : humiliation du corps qui ne répond plus, pertes de repères, pertes d'estime de soi... ces épreuves sont rudes, et seule la tendresse peut les adoucir, comme une pluie dans le désert. 
Une religieuse aveugle, âgée de cent ans me disait aujourd'hui : "mon effort de carême, vivre chaque jour comme je peux avec le Seigneur!" Le nôtre pourrait être de trouver la porte de l'ephad...
Quand la perspective de la Résurrection illumine la traversée du désert, la noblesse de la vieillesse resplendit. N'ayons pas peur!

Ac

 

Mercredi 22 Février 2023
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