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Saint Joseph de Ping Yin Shan



Les champs de roses



C'était en 2009. Je désirais faire un pèlerinage en Chine. J'ai confié cette idée à un ami prêtre chinois. Quelques mois plus tard, à l'occasion d'un voyage touristique, je le contacte par téléphone. J'ignore son adresse exacte. C'est lui qui nous retrouve à Pékin. Il se souvient de mon désir. À la manière chinoise, il a tout organisé. Un mini van nous attend.
Une demi-journée plus tard, nous sommes à 400 km de Pékin, dans le Shan Dong. Le périple ne fait que commencer. Le but est le mont Ping Pin : pèlerinage officiel à Saint Joseph, le lieu est fréquenté par l'église clandestine mais il est tenu par l'église officielle.
Après avoir logé dans une maison aussi spartiate que merveilleusement accueillante, rassasiés de raviolis faits maison ( les maîtresses de maison les ont confectionnés depuis 4 heures du matin!), les désormais neuf personnes montent dans le mini van pour l'étape suivante : des heures de route dans des paysages enchanteurs dans la région de Ji Nan. Nous arrivons dans une sorte de plaine interminable recouverte de champs de roses.
Au milieu des champs de roses s'élève un sanctuaire marial : Our Lady of the Peak. Nous montons des centaines de marches pour arriver au pied d'une vierge couronnée, qui règne sur cette région très pauvre. La seule richesse semble être les roses.
Quand Marie est quelque part, Saint Joseph n'est pas loin. Aux dimensions chinoises, nous repartons pour quelques heures de route. Nous quittons les champs de roses pour une région montagneuse et sinueuse. Le sanctuaire de Joseph est beaucoup plus retiré, dans un paysage plus âpre, plus masculin pour ainsi dire que les plaines aux champs de roses.

Saint Joseph de Pin Ying Shan

Saint Joseph de Ping Yin Shan
À nouveau nous montons des centaines de marches, je n'exagère pas, les Chinois ont une notion du pèlerinage qui grimpe. Un chemin de croix en marbre blanc surplombe les lieux. Les deux enfants qui font partie du pèlerinage sont sur les épaules de leurs parents. Les premiers, ils acclament de leurs cris de joie l'apparition du sanctuaire de Saint-Joseph après deux heures de marche.
Un cerbère peu accueillant nous ouvre les portes. À l'intérieur, les murs blancs font ressortir les peintures de style tout à fait occidental. Il s'agit de copies de scènes peintes par Raphaël qui représentent la vie de Saint Joseph. Les couleurs sont vives et lumineuses, le peintre chinois qui les a réalisées y a mis visiblement plus de contrastes que Raphaël, selon le goût chinois pour les couleurs. L'atmosphère respire la propreté et le calme. Il n'y a personne d'autre que nous. Ce lieu retiré est bien un lieu de Saint Joseph. On peut intensément y prier. Le silence est impressionnant, à l'intérieur comme à l'extérieur : la région immense et perdue aux confins de la Chine est propice au recueillement et à la poésie.

L'ami chinois qui a organisé le pèlerinage me fait visiter le lendemain un lieu qui est absolument l'antithèse de Saint Joseph de Pin ying Shan. Il s'agit d'un temple érigé en l'honneur de la divinité de l'argent, en plein centre d'une petite bourgade locale. Le temple représente une pièce de monnaie chinoise antique de la taille d'une maison. Il faudrait plutôt parler d'une sorte de lingot d'or de la forme d'un chapeau tricorne : on voit cette sorte de monnaie dans les films historiques ou les séries chinoises. Ici, nous entrons dans l'idole de l'argent. En contraste avec le sanctuaire de Saint Joseph, tout est riche et recouvert d'or. Les prières en caractères chinois surdorés demandent la prospérité et la richesse. Des graffitis avec le même sens indiquent que tout le monde n'a pas les moyens d'offrir de l'or à la maison de l'or.

Nous aussi nous demandons souvent la prospérité et la richesse à Saint Joseph. Et il arrive qu'il nous exauce. Mais cette richesse n'est pas le but ultime. Il arrive aussi que Saint Joseph mène ses vrais amis vers la sobriété qui était la sienne, vers une pauvreté faite de simplicité et de beauté. Pour arriver au sanctuaire de Saint Joseph, il faut passer par le chemin de croix en marbre blanc. Pour arriver au temple de l'or, on ne se retire pas à l'écart, bien au contraire. Mais on se prive des champs de roses du sanctuaire marial voisin, des splendides paysages aux horizons illimités, des amis chinois qui organisent le pèlerinage et vous logent dans leur famille, toutes très pauvres, de la messe en chinois, au pied d'une statue de Saint Joseph entouré de banderoles de caractères chinois. Les deux sanctuaires, de Marie et Joseph, datent de la seconde guerre des Boers et ont leurs martyrs du XIXe et du XXe siècle, notamment sous Mao. 

Aujourd'hui, où la crise financière guette le monde entier à la suite de la crise du Covid-19, je repense à ces amis chinois très chers et généreux qui ont offert à moi-même et à deux de mes amies un pèlerinage inoubliable à leur frais, sans rien nous faire payer. Chrétiens fervents au coeur d'un pays païen dont la nouvelle et ancienne idole, l'or, s'écroule dans le monde entier, leur témoignage est authentique et discret, mais durable et convaincant. Puisse saint Joseph de Pin Ying Shan veiller sur eux, leur apporter la prospérité, les protéger d'une trop grande misère, et préserver la beauté extraordinaire de leur région.

Mardi 19 Mai 2020
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