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Joseph et les instruments inadéquats



Ce matin-là, c'est un Jésus plein de facéties que Joseph trouve dans son atelier, assis sur la table, marteau, ciseaux à bois, petite scie, vrille, et autres instruments éparpillés autour de lui. Jésus a l'âge espiègle, peut-être entre 6 et 11 ans. Il tente de scier avec la vrille, de faire un trou avec le ciseau à bois. Son ouvrage reste assez difficile à déterminer : une ceinture? Une lanière de sac? 

Joseph s'approche, prêt à donner une leçon d'efficacité imparable, mais le sourire et la joie de Jésus le stoppent net, ainsi qu'un regard appuyé qui semble dire : " Attends!".

 

Quelques très longs instants plus tard, une belle ceinture est accrochée à la taille de Joseph. Elle a été faite en dépit de tout usage sensé des outils adéquats. En riant, Joseph a laissé l'enfant finir son étrange ouvrage. Cela a pris beaucoup plus de temps que la normale, et ce temps a été très divertissant, Jésus choisissant des instruments de plus en plus insolites. Nos champions contemporains de la "récup" et de la " débrouille" auraient ri autant que les deux complices, car Joseph a compris qu'il ne fallait pas interrompre le jeu de son fils est s'est mis à jouer avec lui. La ceinture est réussie, solide, belle, mais avec des défauts visibles dus aux instruments inadéquats, des éraflures, des distances curieuses mais invisibles entre les trous, un cuir parfois gondolé par les coups à côté. Elle a un style très vintage, fait maison, et Joseph, se rappelant la bonne humeur qui a accompagné cette facétie de son fils ne quitte plus cette ceinture-là.

Jésus n'a pas cessé de rire et sourire. Il n'a rien expliqué. Il n'a rien voulu entendre ce jour-là des leçons de Joseph pour faire de lui l'artisan qu'il deviendra plus tard. 

Joseph a vu que Marie, entrée en douce dans l'atelier, est dans le secret, comme d'habitude, bien avant lui. Elle n'a rien dit, rien expliqué non plus, et ri aussi. Joseph sait donc qu'il aura une explication. Il s'attend à faire un songe cette nuit-là. Et retourne à son merveilleux travail du jour, une table parfaite, sans inquiétude.

Le lendemain, Jésus refuse d'être à l'atelier, lui si obéissant d'ordinaire. Il va jouer avec les voisins. Joseph laisse faire, étonné, car Marie lui a glissé avec un clin d'oeil : 
" Il construit quelque chose avec eux, va voir!"

Joseph découvre dans un arbre une cabane. Les enfants s'y activent. Un des enfants est aveugle, Jésus le guide pour poser des planches; un autre bégaie terriblement. Jésus l'a nommé contre-maître et les ordres arrivent en cascades saccadées, obligeant les autres enfants à relativement se taire et écouter patiemment. Un troisième n'est pas du village, Jésus l'a placé au centre et il vérifie la sécurité des planches en court d'agencement. Joseph remarque qu'un autre enfant ponce très lentement le sol, il est un peu décalé en tout et affreusement sale, c'est l'enfant le plus pauvre de la famille la plus pauvre du village. Mais il y a aussi ce garçon insupportable qui donne des ordres tout le temps et que Jésus calme en lui donnant un maillet : il tape comme un sourd en chantant. Tous les enfant sont là, dans une animation pleine de cris, de petits incidents au milieu des copeaux, des sciures, aucun n'a l'air de s'ennuyer, ils s'amusent. 

Joseph pense : cette cabane ne va jamais tenir droit, il faut que j'emmène Jésus sur de vrais chantiers... Personne n'est à sa place dans son premier chantier. Quel bazar! S'il veut construire en plus grand, cela promet...
A ce moment, Jésus passe en sifflotant gaiement et attrape la ceinture de Joseph.

" Tu verras, je peux tout faire avec des instruments inadéquats! Je t'apprendrai!"

Et soudain, Joseph se sentit dans la main de son fils, comme si Jésus était déjà grand, adulte, immense, dans son Eglise et lui, Joseph, tout petit comme tous ces enfants du premier chantier de Jésus. Et c'était mieux ainsi.

 


Mercredi 22 Janvier 2020
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