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L'Année de la Foi et le Cantique des Cantiques : Hildegarde et Thérèse.

En ce 11 octobre 2012 commence l'année de la Foi. Sainte Hildegarde de Bingen vient d'être proclamée Docteur de l'Eglise. Le Synode réfléchit sur la nouvelle Evangélisation...Devant nous s'ouvre une année extraordinairement riche sur le plan oecuménique. L'Année de la Foi, c'est l'année de l'Eglise. Nous allons parler un peu du Cantique des Cantiques et de sa signification ecclésiale si riche pour la nouvelle évangélisation, en commençant par la citation faite par Benoît XVI de la vision d'Hildegarde, vision de l'Epouse du Cantique, l'Eglise, car en bon Docteur de l'Eglise, Hildegarde s'incrit dans le sens traditionnel de l'interprétation des Ecritures, y apportant sa note de génie féminin et poétique, tout comme Thérèse de Lisieux et de façon complémentaire.



La vision de l'Eglise, par Hildegarde.

Hildegarde de Bingen, docteur de l'Eglise
Hildegarde de Bingen, docteur de l'Eglise
La sainte bénédictine allemande Hildegarde de Bingen (1098-1179),  est une  figure très chère à Benoît XVI qui, a-t-il rappelé, a « offert sa précieuse contribution pour la croissance de l’Église de son temps, en valorisant les dons reçus de Dieu et en se montrant comme une femme d’une intelligence vivace, d’une sensibilité profonde et d’une autorité spirituelle. Le Seigneur l’a dotée d’un esprit prophétique et d’une fervente capacité à discerner les signes des temps. Hildegarde a nourri un amour prononcé pour la création ; elle a pratiqué la médecine, la poésie et la musique. Et surtout, elle a toujours conservé un amour grand et fidèle pour le Christ et pour son Église ».
 
Il vaut la peine de rappeler ici l’audience du 20 décembre 2010 à la curie romaine – une des audiences  pour les vœux de Noël à laquelle Benoît XVI donne une importance particulière, prononçant chaque année un discours récapitulatif des principaux thèmes de son magistère durant les 12 mois précédents – où, après une année passée à faire face à la crise des prêtres pédophiles, le pape cita la sainte proclamée aujourd’hui docteur de l’Eglise. Le passage n’est pas court, mais il est utile de le citer en entier.
 
« Dans ce contexte, a déclaré le pape le 20 décembre 2010, en se référant aux prêtres pédophiles, m’est venue à l’esprit une vision de sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179) qui décrit de façon bouleversante ce que nous avons vécu cette année. « En 1170 après la naissance du Christ, j’étais pendant un long temps malade au lit. Alors, physiquement et mentalement éveillée, je vis une femme d’une beauté telle que l’esprit humain n’est pas capable de comprendre. Sa figure se dressait de la terre jusqu’au ciel. Son visage brillait d’une splendeur sublime. Son regard était dirigé vers le ciel. Elle était vêtue d’un vêtement lumineux et resplendissant de soie blanche et d’un manteau garni de pierres précieuses. Aux pieds elle portait des souliers d’onyx. Mais son visage était couvert de poussière, son vêtement était déchiré du côté droit. Le manteau aussi avait perdu sa beauté singulière et ses chaussures étaient souillées sur le dessus. D’une voix haute et plaintive, la femme cria vers le ciel : ‘Écoute, ô ciel : mon visage est sali ! Afflige-toi, ô terre : mon vêtement est déchiré ! Tremble, ô abîme : mes chaussures sont souillées !’ Et elle poursuivit : ‘J’étais cachée dans le cœur du Père, jusqu’à ce que le Fils de l’homme, conçu et engendré dans la virginité, répandit son sang. Avec ce sang, comme sa dot, il m’a prise comme son épouse. Les stigmates de mon époux demeurent frais et ouverts, tant que sont ouvertes les blessures des péchés des hommes. Justement le fait que les blessures du Christ restent ouvertes est la faute des prêtres. Ils déchirent mon vêtement puisqu’ils sont transgresseurs de la Loi, de l’Évangile et de leur devoir sacerdotal. Ils enlèvent la splendeur à mon manteau, parce qu’ils négligent totalement les règles qui leur sont imposées. Ils souillent mes chaussures, parce qu’ils ne marchent pas sur les droits chemins, c’est-à-dire sur les durs et exigeants chemins de la justice, et ils ne donnent pas aussi un bon exemple à ceux qui leur sont soumis. Toutefois je trouve en certains la splendeur de la vérité’. Et j’entendis une voix du ciel qui disait : ‘Cette image représente l’Église. C’est pourquoi, ô être humain qui vois tout cela et qui écoutes les paroles de plainte, annonce-le aux prêtres qui sont destinés à la conduite et à l’instruction du peuple de Dieu et auxquels, comme aux Apôtres, il a été dit : " Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création "’ (Mc 16, 15) » (Lettre à Werner von Kirchheim et à sa communauté sacerdotale : PL 197, 269ss). »
 
Voici comment le pape, en 2010, commentait cette impressionnante révélation privée: « Dans la vision de sainte Hildegarde, le visage de l’Église est couvert de poussière, et c’est ainsi que nous l’avons vu. Son vêtement est déchiré – par la faute des prêtres. Ainsi comme elle l’a vu et exprimé, nous l’avons vu cette année. Nous devons accueillir cette humiliation comme une exhortation à la vérité et un appel au renouvellement. Seule la vérité sauve ».

Une autre femme Docteur de l'Eglise parle de l'Epouse...

Vitrail de Thérèse de Lisieux, Ardèche, lavezon, photo StJoWeb
Vitrail de Thérèse de Lisieux, Ardèche, lavezon, photo StJoWeb
Thérèse parle aussi des prêtres :

" Pendant un mois, j'ai vécu avec beaucoup de saints prêtres, et j'ai vu que si leur sublime dignité les élève au dessus des anges, ils n'en sont pas moins des hommes faibles et fragiles...si de saints prêtres que Jésus appelle dans son Evangile  " le sel de la Terre" montrent dans leur conduite qu'ils ont un extrême besoin de prières, que faut-il dire de ceux qui sont tièdes ? Jésus n'a-t-il pas dit encore : " Si le sel vient à s'affadir, avec quoi l'assaisonnera-t-on ?" O ma Mère ! Qu'elle est belle la vocation ayant pour but de préserver le sel destiné aux âmes  !" ( Manuscrit A, 56v°)

Dans le manuscrit B, Thérèse de Lisieux reprend le thème paulinien du corps mystique de l'Eglise,  bien complémentaire de celui d'Hildegarde :

" Considérant le corps mystique de l'Eglise, je ne m'étais reconnue dans aucun des membres décrits par saint Paul, ou plutôt je voulais me reconnaître en tous...La charité me donna la clé de ma vocation. je compris que si l'Eglise avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l'Eglise avait un Coeur, et que ce Coeur était brûlant d'Amour. Je compris que l'Amour seul faisait agit les membres de l'Eglise, que si l'Amour venait à s'éteindre, les Apôtres n'annonçeraient plus l'Evangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang...Je compris que l'Amour renfermait toutes les vocations, que l'Amour était tout, qu'il embrassait tous les temps et tous les lieux...en un mot, qu'il est Eternel ! " ( manuscrit B 3v°)

Ce passage qui aboutit à la célèbre phrase " dans le Coeur de l'Eglise, ma Mère, je serai l'Amour" est en filigrane de tout le message de Thérèse de Lisieux. Un peu plus loin, Thérèse continue :

" Eh bien ! moi, je suis l'ENFANT de l'Eglise, et l'Eglise est Reine puisqu'elle est ton Epouse, ô Divin Roi des Rois". 

Décrivant sa vie de carmélite et sa petite voie, Thérèse nous montre le coeur de la Nouvelle Evangélisation, en faveur de cette Eglise dont nous sommes- dans sa partie Eglise combattante et souffrante et non point encore triomphante au ciel- et qui oublie sa vocation à l'amour :

" Jésus, à quoi te serviront mes fleurs et mes chants ? Ah, je le sais bien, cette pluie embaumée, ces pétales fragiles et sans aucune valeur, ces chants d'amour du plus petit des coeurs te charmeront, oui, ces riens te feront plaisir, ils feront sourire l'Eglise Triomphante, elle recueillera mes fleurs effeuillées par amour et les faisant passer par tes Divines Mains, Jésus, cette Eglise du Ciel, voulant jouer avec son petit enfant, jettera elle aussi, ces fleurs ayant acquis par ton toucher divin une valeur infinie, elle les jettera sur l'Eglise souffrante afin d'en éteindre les flammes, elle les jettera sur l'Eglise combattante afin de lui faire remporter la victoire !
O mon Jésus! Je t'aime, j'aime l'Eglise ma Mère, je me souviens que le plus petit mouvement de pur amour lui est plus utile que toutes les autres oeuvres réunies ensemble".( Jn de la Croix) " Manuscrit B, 5 r°)

Le Cantique des Cantiques, source commune des deux Docteurs de l'Eglise;

Pour bien comprendre ces deux femmes de génie, il est utile de comprendre que l'une comme l'autre ont profondément assimilé la tradition catholique de la lecture du Cantique des Cantiques qui assimile l'Epouse et le peuple de l'Alliance, l'Epouse et chaque âme, l'Epouse et l'Eglise, l'Epouse et Marie. Ainsi, un commentaire d'un verset du Cantique par Hildegarde complète bien notre propos :

«Si l’homme s’avance sur un sentier droit, toutes ses œuvres conduisent à la prospérité comme l’enseigne le Cantique des cantiques: “le roi m’a introduite dans ses appartements. Tu seras notre joie et notre allégresse. Nous célébrerons tes amours plus que le vin. Comme on a raison de t’aimer”. Entendons ainsi ce passage: moi qui ai la foi, moi qui suis l’âme de l’homme, j’ai sur les traces de la vérité suivi le Fils de Dieu dont l’humanité a racheté l’homme. C’est lui qui dirige tout ce qui est; c’est lui qui m’a introduit dans la plénitude de ses dons, en ce lieu où je trouve l’abondance toute entière des vertus, en ce lieu où de vertu en vertu, je m’élève. Voilà pourquoi nous tous, rachetés par le sang de ce même fils de Dieu, nous avons exulté en tout notre corps. Tu as été toute notre allégresse, ô sainte Déité, toi, notre soutien, et nous nous remettons en mémoire la suavité des récompenses célestes qui dépassent toutes les passions, toutes les tribulations qu’ont provoquées les adversaires de la vérité. Elles ne sont plus rien pour nous qui goûtons les délices que tu nous proposes quand tu nous fais montre de tes commandements. Aussi t’aiment d’un amour authentique et parfait tous ceux qui sont dans les œuvres d’une sainteté véritable, puisque tu accordes tous les biens à ceux qui t’aiment, et puisque tu vas également jusqu’à leur attribuer la vie éternelle» (Livre des œuvres divines, deuxième vision, 18).

Le poème de Thérèse, Mon Ciel ici-bas, dit la même chose...De l'analogie de l'epouse-Eglise à l'analogie de l'Epouse-âme.

Nous mettons les références au Cantique des Cantiques en marge. La puissance de la poésie de Thérèse réside dans son assimilation des thèmes de Saint Jean de la Croix et du Cantique, source commune, pour expliciter la foi de l'Eglise et l'Amour de l'Epouse envers l'Epoux.


Jésus ton ineffable image
Est l'astre qui conduit mes pas ; 
Tu le sais bien, ton doux Visage 
Est pour moi le ciel ici-bas !
 
Mon amour découvre les charmes 
De tes yeux embellis de pleurs. 
Je souris à travers mes larmes, 
Quand je contemple tes douleurs. 
 
Oh ! je veux pour te consoler 
Vivre ignorée et solitaire;
Ta beauté que tu sais voiler 
Me découvre tout son mystère, 
Et vers toi je voudrais voler! 
 
Ta Face est ma seule patrie, 
Elle est mon royaume d'amour; 
Elle est ma riante prairie,
Mon doux soleil de chaque jour; 
 
Elle est le lis de la vallée                                       (Ct 2,1)
Dont le parfum mystérieux 
Console mon âme exilée,
Lui fait goûter la paix des cieux.
 
Elle est mon repos, ma douceur, 
Et ma mélodieuse lyre...
Ton Visage, ô mon doux Sauveur, 
Est le divin bouquet de myrrhe                                          (Ct 1,12)
Que je veux garder sur mon coeur ! 
 
Ta Face est ma seule richesse;
Je ne demande rien de plus. 
En elle, me cachant sans cesse, 
Je te ressemblerai, Jésus !
 
Laisse en moi la divine empreinte 
De tes traits remplis de douceurs, 
Et bientôt je deviendrai sainte, 
Vers toi j'attirerai les coeurs ! 
 
Afin que je puisse amasser
Une belle moisson dorée,
De tes feux daigne m'embraser! 
Bientôt, de ta bouche adorée, 
Donne-moi l’éternel baiser!                     (Ct 1,1)
 
12 août 1895.
 

Un dernier commentaire du Cantique par Hildegarde...avec l'application de l'analogie à l'âme : " Fille de Prince qui a écrasé l'antique serpent."

«Nous fuyons la faveur du monde, et, grâce au soutien d’une foule de vertus, nous aspirons aux joies du ciel, ainsi que nous le lisons au chapitre sept, verset deux du Cantique des cantiques: “Que tes pieds sont beaux dans tes sandales, fille de prince !” Voici comment il faut comprendre: toi qui en ton cœur dans les bonnes oeuvres te délectes, toi qui à Dieu aspires, à Dieu qui te confère l’espérance de la vie éternelle, cette espérance qui dans la joie resplendit comme à son lever le soleil, à tous tu fais montre des pas merveilleux que tu accomplis sur les traces du Fils de Dieu, quand tu t’imposes, en tes sandales, la mortification de la chair. Ainsi tu recouvres la nudité de tes péchés, lorsque, en ton libre arbitre, plus que toi tu aimes Dieu. Ainsi l’âme prend le nom de fille de prince qui a écrasé l’antique serpent avant de libérer son peuple, de laver en son sang toute l’hostilité qui séparait Dieu de l’homme» (Livre des œuvres divines, troisième vision, 19).
Qui mieux que Marie répondit par son consentement à la volonté de Dieu et devint ainsi celle qui écrasa l'antique serpent ? Elle montre le destin en espérance de chaque âme et de toute l'Eglise.
Qui mieux que Marie répondit par son consentement à la volonté de Dieu et devint ainsi celle qui écrasa l'antique serpent ? Elle montre le destin en espérance de chaque âme et de toute l'Eglise.

Mercredi 10 Octobre 2012
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