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Accueillir des Migrants: " Va, et toi agis de même".



Quand un philosophe oublie la finale d'une parabole....

Rémi Brague affirme dans un article du Figaro que la parabole du Bon Samaritain ne s'adresse pas aux Etats....effectivement, les Etats ne sont que des entités faites d'individus ayant eux-mêmes fait des choix éthiques, moraux, sociaux, politiques au sens noble. 
Si un Etat n'applique plus le simple choix d'aider celui qui est dans le besoin, il est composé d'individus sans personnalités et sans âmes, il est le lévite qui passe, le philosophe qui bavarde, le compatriote du bléssé qui le vend ou le pille...Bref, si les individus qui composent un Etat ignorent le Migrant qui coule dans la méditérranée, celui qui dort dans notre rue, celui qui tremble de froid devant nos eglises chauffées...la dernière phrase de la parabole, " Va et toi agis de même", est tronquée et rendue inopérante par un raisonnement faux. C'est l'action " de même" qui va faire des individus, croyants ou non, des personnes ayant assumé un choix moral, idéal, religieux, selon les cas. L'appel du Pape concernant les Migrants tend à transformer les individus composants les Etats en personnes, à humaniser les Etats.

Va et agis de même. Luc 10, 37

Un policier italien console une migrante le 24 Août 2017 après une évacuation forcée d'une place de la ville de Rome. Photo Angelo Carconi. Dans un contexte d'évacuation violente de Migrants squattant une place et dormant dehors, chassés  traités avec mépris...un policier est pris en flagrant délit! Flagrant délit...d'humanité!
Un policier italien console une migrante le 24 Août 2017 après une évacuation forcée d'une place de la ville de Rome. Photo Angelo Carconi. Dans un contexte d'évacuation violente de Migrants squattant une place et dormant dehors, chassés traités avec mépris...un policier est pris en flagrant délit! Flagrant délit...d'humanité!
Le pape François n'a rien d'un utopiste, ses propos sur l'accueil des Migrants sont de la politique tout comme le choix d'un Samaritain par Jésus dans sa parabole était hautement provocateur et politique : les Samaritains étaient l'ennemi politique des Juifs...
Une amie qui va recevoir des Migrants chez elle me disait : " Cela passe par les services de l'Etat. Et à cette nouvelle, mes amis cathos se sont mis à cracher sur les services de l'Etat! Tout comme on crachait sur le Samaritain. Pile quand il fait ce qu'il faut."
L'hypocrisie des beaux parleurs, c'est de mettre une étiquette à la charité : réservée aux biens pensants, interdite aux Etats! Ne s'applique pas aux Etats! Plus exactement aux Samaritains qui font mieux que les Cathos ou tout autre bien pensant. Dire aussi que la parabole ne nous dit pas ce que nous devons faire mais ce que Jésus fait pour nous est incomplet: prévoyant cette entourloupe, Jésus a bien et explicitement dit " Va et agis de même". ( Désolé pour Rémi Brague, que j'apprécie par ailleurs, mais son texte est ici  irrecevable et contre productif, car tributaire d'un individualisme érigé jusque'au niveau de l'Etat, ce qui fait d'ailleurs que son texte est repris par nombre d'inquiets et de manipulateurs de peurs).

Ecouter le Pape François, ou sa conscience, mais pas les raisonnements tronqués!

Actuellement, nombre de Catholiques se laissent embarquer par des sites qui les embrouillent, leur faisant prendre le Pape François pour un utopiste, et des penseurs idéologisés ( souvent à la manière de l'Action française version actuelles sans valeurs ni foi, mais avec une soi-disant étiquette chrétienne) pour des meneurs à suivre dans...l'inaction, la dureté de coeurs, le refoidissement de l'humanisme de base le plus élémentaire, la perte de la valeur d'humanisme et de charité pour sauvegarder des valeurs secondaires. C'est ce que vise le Pape quand il dit que la sécurité nationale ne passe pas avant la sécurité des personnes: la sécurité nationale est bien sûre une valeur, mais elle s'appuie d'abord sur la valeur d'humanisme et de respect de la personne. Si on inverse ces valeurs, on obtient la justification des dictatures nationalistes de tous poils.
Si quelqu'un veut comprendre le Pape François sur le terrain, il peut être utile de lire " La liste de Bergoglio", de Nello Scavo ( on trouve ce livre pour moins de 4 euros sur Amazon), on suit alors l'enquête rigoureuse d'un vrai journaliste- dont les positions ne sont pas celles de Bergoglio-  retraçant et retrouvant les personnes sauvées directement de la dictature par le jeune provinciale des Jésuites Bergoglio âgé de 36 ans. Impossible à quelqu'un qui a vécu cela et " a agi de même" d'être un utopiste. Le réel le plus impitoyable, l'impossible le plus politique ( échapper et faire échapper aux assassins et aux tortionnaires d'une dictature argentine terrifiante), le bon Samaritain le plus réaliste: celui qui fait ( et ne s'en vante pas), tandis que que nos beaux parleurs- ou nous mêmes- disent mais ne font pas.

AC

Liste des 21 propositions du Pape François pour l'accueil des Migrants

Voici la liste des 21 mesures voulues par le pape François pour l'immigration.

1. Développer les «possibilités d'entrées sûres et légales» dans les pays de destination: notamment par «l'octroi de visas humanitaires» délivrés selon un mode «étendu et simplifié» et favoriser «le regroupement familial».

2. Multiplier les «corridors humanitaires pour les réfugies les plus vulnérables» pour éviter les filières illégales.

3. Créer un système de «visas temporaires spéciaux» pour «ceux qui fuient les conflits dans les pays voisins».

4. Ne pas recourir aux «expulsions collectives et arbitraires» de réfugiés et de migrant non «adéquates» surtout quand elles renvoient des personnes dans des pays qui «ne peuvent garantir le respect de la dignité et des droits fondamentaux».

5. «Toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale»: par conséquent «former adéquatement le personnel préposé aux contrôles de frontière» pour que le «premier accueil» des migrants et des réfugiés soit «approprié et digne».

6. Trouver des «solutions alternatives à la détention pour ceux qui entrent sur le territoire national sans autorisation».

7. Dans le pays de départ, créer un système d'immigration légale pour agir «contre les pratiques de recrutement illégal» par des filières.

8. Dans le pays d'arrivée, «assurer aux migrants une assistance consulaire», le «droit de toujours garder sur soi les documents d'identité personnels», un accès à la justice, «la possibilité d'ouvrir des comptes bancaires», la «garantie d'une subsistance minimum vitale».

9. Que soit accordée dans le pays d'arrivée «la liberté de mouvement, la possibilité de travailler et l'accès aux moyens de télécommunications».

10. Pour ceux qui désirent rentrer dans leur pays la mise en place de «programmes de réintégration professionnelle et sociale».

11. Protéger les «mineurs migrants» en évitant «toute forme de détention» et en assurant «l'accès régulier à l'instruction primaire et secondaire»

12. Octroyer une nationalité à tous les enfants «à la naissance»

13. Lutter contre «l'apatridie» de migrants et réfugiés en créant une «législation sur la citoyenneté»

14. Accès sans limite des migrants et des réfugiés «à l'assistance sanitaire nationales et aux systèmes de pension» et «transfert de leur contribution en cas de rapatriement».

15. Garantir à «tous les étrangers présents sur le territoire la liberté de profession et de pratique religieuse»

16. Promouvoir «l'insertion socio-professionnelle des migrants et des réfugiés, garantissant à tous - y compris aux demandeurs d'asile - la possibilité de travailler, des formations linguistiques et de citoyenneté active».

17. Prévenir les «abus» du travail productif de «mineurs migrants»

18. Favoriser «le regroupement familial - y compris des grands-parents, des frères et sœurs et des petits-enfants - sans jamais le soumettre à des capacités économiques».

19. Renforcer l'attention et le soutient aux migrants, réfugiés, demandeurs d'asile «en situation de handicap».

20. Aider davantage les pays en voie de développement qui accueillent des réfugiés

21. Intégrer «sans supprimer» chez les migrants leur «identité culturelle» par une «offre de citoyenneté» qui soit «dissociée des capacités économiques et linguistiques» et par une «offre de parcours de régularisation extraordinaire pour les migrants qui peuvent faire valoir une longue présence dans le pays»


Et le bon Samaritain expliqué par le Pape à Lampedusa!

« Où est ton frère ? » Qui est le responsable de ce sang ? Dans la littérature espagnole, il y a une comédie de Lope de Vega qui raconte comment les habitants de la ville de Fuente Ovejuna tuèrent le Gouverneur parce que c’est un tyran, et le font de façon à ce qu’on ne sache pas qui l’a exécuté. Et quand le juge du roi demande : « Qui a tué le Gouverneur ? », tous répondent : « Fuente Ovejuna, Monsieur ». Tous et personne ! Aujourd’hui aussi cette question émerge avec force : qui est le responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Tous nous répondons ainsi : ce n’est pas moi, moi je ne suis pas d’ici, ce sont d’autres, certainement pas moi. Mais Dieu demande à chacun de nous : « Où est le sang de ton frère qui crie vers moi ? ». Aujourd’hui personne dans le monde ne se sent responsable de cela ; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle ; nous sommes tombés dans l’attitude hypocrite du prêtre et du serviteur de l’autel, dont parlait Jésus dans la parabole du Bon Samaritain : nous regardons le frère à demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous « le pauvre », et continuons notre route, ce n’est pas notre affaire ; et avec cela nous nous mettons l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire !

Revient la figure de l’Innommé de Manzoni. La mondialisation de l’indifférence nous rend tous "innommés", responsables sans nom et sans visage.

« Adam où es-tu ? », « Où est ton frère ? », sont les deux questions que Dieu pose au début de l’histoire de l’humanité et qu’il adresse aussi à tous les hommes de notre temps, à nous aussi. Mais je voudrais que nous nous posions une troisième question : « Qui de nous a pleuré pour ce fait et pour les faits comme celui-ci ? » Qui a pleuré pour la mort de ces frères et sœurs ? Qui a pleuré pour ces personnes qui étaient sur le bateau ? Pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants ? Pour ces hommes qui désiraient quelque chose pour soutenir leurs propres familles ? Nous sommes une société qui a oublié l’expérience des pleurs, du « souffrir avec » : la mondialisation de l’indifférence nous a ôté la capacité de pleurer ! Dans l’Évangile nous avons écouté le cri, les pleurs, la longue plainte : « Rachel pleure ses enfants… parce qu’ils ne sont plus ». Hérode a semé la mort pour défendre son propre bien-être, sa propre bulle de savon. Et cela continue à se répéter… Demandons au Seigneur d’effacer ce qui d’Hérode est resté également dans notre cœur ; demandons au Seigneur la grâce de pleurer sur notre indifférence, de pleurer sur la cruauté qui est dans le monde, en nous, aussi en ceux qui dans l’anonymat prennent les décisions socio-économiques qui ouvrent la voie à des drames comme celui-ci. « Qui a pleuré ? » Qui a pleuré aujourd’hui dans le monde ?


Pour ceux à qui on fait croire que le Pape François parle sans nuances ni équilibre, ou qu'il change d'avis...

« Le cœur toujours ouvert, prudence et intégration, et proximité humanitaire. » C’est l’attitude que le pape François préconise dans l’accueil des migrants, devant les journalistes qui l’ont accompagné en Colombie.

Dans l’avion qui le ramenait de Cartagena à Rome, le 11 septembre 2017, lors de sa traditionnelle conférence de presse de retour de ses voyages, le pape a dénoncé la tentation d’ « exploiter l’Afrique » : « investissons là-bas pour qu’ils se développent… Nous devons renverser cela. L’Afrique est une amie et il faut l’aider à grandir ».

Chaque gouvernement, a-t-il aussi souligné doit gérer la question des migrants « avec la vertu propre au gouvernant, à savoir la prudence. Qu’est-ce que cela signifie ? D’abord, combien de places j’ai. Deuxièmement, ne pas seulement recevoir, (mais) intégrer ».

Voici notre traduction des paroles du pape transcrites par le quotidien de la Conférence épiscopale italienne Avvenire.

Récemment l’Église italienne a exprimé une sorte de compréhension envers la nouvelle politique du gouvernement de restreindre sur la question des départs de la Libye et par conséquent des débarquements. On a aussi écrit que, sur ce point, vous avez rencontre le président du Conseil, Gentiloni. Nous voudrions savoir si cette rencontre a eu lieu et si cette question a été abordée. Et surtout, que pensez-vous de cette politique de fermeture des départs, considérant aussi le fait qu’ensuite les migrants qui restent en Libye, comme cela a été prouvé par des enquêtes, vivent dans des conditions inhumaines, dans des conditions vraiment très précaires. Merci.

Avant tout, la rencontre avec le (premier) ministre Gentiloni a été une rencontre personnelle et non sur cette question. C’était avant ce problème qui a émergé quelques semaines plus tard… Deuxièmement, je ressens un devoir de gratitude envers l’Italie et la Grèce parce qu’elles ont ouvert leur cœur aux migrants. Mais il ne suffit pas d’ouvrir son cœur. Le problème des migrants est : premièrement, un cœur ouvert, toujours, entre autres parce que c’est un commandement de Dieu, recevoir, parce que « tu as été esclave », migrant, en Égypte. Mais un gouvernement doit gérer ce problème avec la vertu propre au gouvernant, à savoir la prudence. Qu’est-ce que cela signifie ? D’abord, combien de places j’ai. Deuxièmement, ne pas seulement recevoir, (mais) intégrer. J’ai vu ici, en Italie, des exemples de très belle intégration. Je suis allé à l’Université Roma Tre, quatre étudiants m’ont posé des questions. J’en regardais une, la dernière : mais ce visage, je le connais. C’était une étudiante qui, moins d’un an plus tôt, était venu de Lesbos avec moi en avion, elle a appris la langue, elle étudiait la biologie dans sa patrie, elle a fait l’équivalence et maintenant elle continue. Cela s’appelle intégrer. Sur un autre vol, je rentrais de Suède, j’ai parlé de la politique d’intégration de ce pays comme un modèle. Mais la Suède aussi a dit avec prudence : le nombre est celui-ci, je ne peux pas plus. Troisièmement, il y a un problème humanitaire. Ce que vous disiez. L’humanité prend-elle conscience de ces camps, des conditions dans le désert ? J’ai vu des photos, ceux qui exploitent. Je crois, j’ai l’impression que le gouvernement italien fait tout, par des travaux humanitaires, pour résoudre même des problèmes qu’il ne peut assumer. Mais le cœur toujours ouvert, prudence et intégration, et proximité humanitaire. Et il y a une dernière chose que je veux dire et qui vaut surtout pour l’Afrique. Il existe, dans notre inconscient collectif, une devise, un principe : il faut exploiter l’Afrique. Aujourd’hui, à Carthagène, nous avons vu un exemple d’exploitation, humain dans ce cas-là. Sur ce point, un chef de gouvernement a dit une belle vérité : ceux qui fuient la guerre, c’est un autre problème ; mais beaucoup qui fuient la faim, investissons là-bas pour qu’ils se développent. Mais dans l’inconscient collectif, il y a le fait que chaque fois que tous les pays développés vont en Afrique, c’est pour exploiter. Nous devons renverser cela. L’Afrique est une amie et il faut l’aider à grandir.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
 


Samedi 9 Septembre 2017
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