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Le don de soi mène-t-il au burn-out?

15) : vocation et oeuvre, don de soi...ou burn-out? Pour suivre sa vocation, on entre dans une générosité qui mène au don de soi...et voilà qu'arrive l'épuisement et l'over-dose de travail. Où est la sainteté dans tout cela ?



L’ambiguïté du don de soi.

Attention, abri anti burn-out
Attention, abri anti burn-out
La vocation est un appel à la sainteté. Cette sainteté va trouver son " terrain" dans un état de vie, et dans un don de soi. Mais dans le don de soi mal compris se cache un grand défi pour la vocation à la sainteté, car tout le challenge du don de soi consiste aussi à réaliser que " sans moi vous ne pouvez rien faire", et que " si le Seigneur ne bâtit la maison, c'est en vain que les bâtisseurs travaillent". Il est indispensable de bien comprendre le sens du don de soi et de ne pas entrer dans l'ambiguité d'un don qui est en réalité une recherche de gloire personnelle. L'ambiguité du don de soi n'échappe pas aux philosophes et aux sages qui auront vite fait de soulever la gratification personnelle que l'on trouve à se donner...et donc à reprendre pour soi. Le Christ seul réalise le don de soi gratuit et désintéressé. 

Le don de soi à une oeuvre...mène-t-il au burn-out?

Bougie en fin de course...métaphore du burn-out.
Bougie en fin de course...métaphore du burn-out.
La vocation est souvent confondue avec l'oeuvre à laquelle on va se dévouer. C'est là qu'intervient une dérive du don de soi, toute en générosité, parfois en star système subtil ( regardez comme je me donne gratuitement), plus gravement en don de soi plus à L'Oeuvre qu'à Dieu. Oeuvre qui va être peu à peu idôlatrée. Retirez alors l'oeuvre, et s'il y a eu dérive, la vocation disparaît, quand ce n'est pas la personne, devenue partie prenante de l'oeuvre ( au fait, oeuvre de Dieu ? oeuvre humaine?) qui se dissout. Quand il s'agit d'une oeuvre au service de Dieu, l'idôlatrie de l'oeuvre est masquée sous l'aspect du dévouement le plus complet, du sacrifice, du don de soi jusqu'à l'épuisement. Dans les entreprises non religieuses, dans le monde des affaires, la confusion entre le destin personnel et le destin d'une entreprise au point d'en épouser les aléas et viscicitudes tourne au surmenage, à l'épuisement, à l'impossibilité de suivre la cadence, à vivre en dehors du travail, à exister pour soi-même, jusqu'à ce que tout l'être ait été absorbé par l'oeuvre...et cela s'appelle le burn-out. En somme, sans jeu de mot, l'être a été grillé au profit de l'oeuvre.

« En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte. »

— Herbert J. Freudenberger 1


Le Don de soi à Dieu...au sein parfois d'une oeuvre qu'il ne faut jamais " absolutiser".

En terme de vocation, le don de soi est toujours à Dieu seul, et souvent au sein d'une oeuvre. Quand le phénomène cité ci-dessus fait confondre l'Oeuvre et Dieu, en réalité, l'entreprise humaine a pris le pas sur l'entreprise divine. L'Oeuvre peut avoir été déifiée, idôlatrée, (c'est le désir de réussite personnelle masquée en don de soi qui est idôlatré inconsciemment la plupart du temps). L'Oeuvre est alors confondue avec réussite, et lorsqu'arrive l'échec humain, ou la fatigue physique et psychique jusqu'à l'épuisement, il ne s'agit guère d'une Oeuvre avec majuscule, mais d'une oeuvre, entreprise humaine " absolutisée" qui tourne au burn-out. La personne prise dans la dérive d'un don de soi qui confond vocation à se donner à Dieu, et vocation à se donner à une oeuvre, est souvent d'une grande générosité et bonne foi. Il est alors précieux d'avoir un bon accompagnement spirituel pour distinguer la volonté de Dieu qui mène à un détachement des oeuvres ( " les mains vides" de Thérèse), même des oeuvres à son service...et un bon accompagnement psychologique pour éviter quand c'est encore temps le burn-out.

Différence entre burn-out et Croix.

Le don de soi mène-t-il au burn-out?
Le burn-out menace aussi les saints! Mère Théresa en fit un à ses débuts, car elle se donnait sans compter. Une infirmière expérimentée lui passa alors un mémorable "savon" et lui partagea la sagesse de ses propres 30 ans d'expérience aux services des plus pauvres. Mère Théresa le raconte elle-même et garda par la suite les conseils reçus d'équilibre de vie et de repos, outre l'amitié de cette devancière qui lui évita de se "donner" en dépit du bon sens. La Croix, elle, est don de soi par amour jusqu'au bout, et il s'agit de l'amour de l'autre et de Dieu. La croix n'est donc pas le résultat d'une générosité mal orientée, d'une recherche secrète de gloire dans le fait que l'on remarque la générosité des actions entreprises...le dépouillement de la croix ôte totalement la vaine gloire et la recherche de soi dans la réussite visible d'une oeuvre. La croix est l'oeuvre de Dieu seul. Le don de soi qui passe par la Croix est communion au Christ et à l'oeuvre du salut, et ne peut se récupérer en oeuvre personnelle.


Aucune oeuvre, fondation,congrégation, etc...ne peut être absolutisée.

Le burn-out est la version moderne de la perte de repères dans le don de soi à une entreprise, une oeuvre avec laquelle on s'identifie. Dans une vocation, spécialement religieuse ou associative, la fondation, ou la direction d'une oeuvre s'apparente avec le monde de l'entreprise...et le burn-out guette d'autant plus si le don de soi est mal orienté. Le don de soi chrétien est avant tout charité inventive, créative...avec le risque de la générosité mal placée, qui ne sait plus dire non à l'activisme. D'où ce rappel de Benoît XVI aux religieux : " Que ce que vous faîtes ne masque pas ce que vous êtes". L'oeuvre peut disparaître, même quand elle a été voulue par Dieu, elle n'est jamais immortelle ( seule l'Eglise a la promesse que la puissance de la mort  ne l'emportera pas sur elle). Certaines fondations et oeuvres voulue par Dieu dans l'Eglise ont des textes fondateurs, des promesses ( via les fondateurs parfois canonisés ou non), mais on ne canonise jamais une oeuvre, car ce ne sont que des moyens de sanctification voulus par Dieu, une oeuvre n'est jamais un but en soi. Par racourci sémantique, on dit que certains saints " meurent pour une oeuvre", se " donnent entièrement à une fondation", en réalité ils se donnent à Dieu, à la volonté de Dieu en vu de la sanctification de ceux que cette oeuvre aidera. Le dévouement est en vue des âmes, par le moyen de l'oeuvre. L'oeuvre est secondaire par rapport à Dieu. La vocation peut être toute une vie dans une oeuvre d'église précise, ou dans plusieurs oeuvres temporairement, ou dans aucune en particulier. Il ne faut donc pas confondre vocation et oeuvre.

Le vrai don de soi contre les tentations de carriérisme vocationnel : redéfinir le don de soi.

Le don de soi mène-t-il au burn-out?
Par carriérisme vocationnel, nous entendons ces déformations de la vocation en carrière, en fondation d'oeuvres sur le modèle ( parfois magnifique) d'oeuvres humaines, en réussite sociale ( réseaux, oeuvres caritatives avec pignon sur rue, conférences, conventions, star système avec maison d'éditions et relais TV...) Avant de voir les dérives du carriérisme en question, soulignons que les vrais saints, tout en s'épuisant à la tâche, se reposent selon leurs tempéraments et possibilités. La différence majeure est qu'ils n'épuisent pas les autres et veillent au repos des autres avec une sagesse décuplée. Chez eux, ni carriérisme, ni idôlatrie des oeuvres, mais fécondité du don de soi. Attention en utilisant la notion de Burn-out de ne pas jeter le discrédit sur le travail et l'oeuvre des saints, car on serait en psycho-spirituel et non pas en terme de sainteté, ce qui fait passer des saints injustement pour des gourous.... or, chez les saints, il n'y a pas carriérisme, mais seulement service de Dieu.

Le pape Benoît XVI répondait à la question en redéfinissant le vrai don de soi face même au carriérisme ecclésiastique :

Le pape répond aux séminaristes : la question du « carriérisme » dans l’Eglise (I)

Sainte Joséphine Backhita
Sainte Joséphine Backhita

 

Voici la question d’un séminariste du diocèse de Nicopoli (Bulgarie), en quatrième année (deuxième année de théologie), Koicio Dimov, puis la réponse de Benoît XVI.

Très Saint-Père, en commentant le Chemin de croix de 2005 vous avez parlé des souillures qu’il existe dans l’Eglise, et dans l’homélie pour l’ordination des prêtres romains de l’année, vous nous avez mis en garde contre le risque du « carriérisme, de vouloir arriver “en haut”, de se procurer une position grâce à l’Eglise ». Comment nous situer par rapport à ces problématiques de la manière la plus sereine et la plus responsable possible ?

Benoît XVI : Ce n’est pas une question facile, mais il me semble avoir déjà dit, et c’est un point important, que le Seigneur sait, il savait dès le commencement, que dans l’Eglise le péché existe aussi, et pour notre humilité il est important de reconnaître cela, et de ne pas seulement voir le péché chez les autres, dans les structures, dans les hautes responsabilités hiérarchiques, mais également en nous-mêmes, pour être ainsi plus humbles et apprendre que devant le Seigneur, la position ecclésiale ne compte pas. Ce qui compte est d’être dans son amour et de faire briller son amour. Personnellement j’estime que, sur ce point, la prière de saint Ignace est d’une grande importance, lorsqu’il dit : « Suscipe Domine, universam meam libertatem ; accipe memoriam, intellectum atque voluntatem omnem ; quidquid habeo vel possideo mihi largitus es ; id tibi totum restitoì ac tuae prorsus voluntati traoi gubernandum ; amorem tuum cum gratia tua mihi dones et dives sum satis, nec aliud quidquam ultra posco » [Prenez, Seigneur, et recevez toute ma liberté, ma mémoire, mon entendement et toute ma volonté ; tout ce que j’ai et tout ce que je possède. Vous me l’avez donné, Seigneur, je vous le rends ; tout est à vous, disposez-en selon votre bon plaisir. Donnez-moi votre amour ; donnez-moi votre grâce : elle me suffit].

Cette dernière partie justement me semble très importante : comprendre que le vrai trésor de notre vie est d’être dans l’amour du Seigneur et ne jamais perdre cet amour. Alors nous sommes véritablement riches. Un homme qui a trouvé un grand amour se sent véritablement riche et sait que cela est la véritable perle, que cela est le trésor de sa vie et non toutes les autres choses qu’il possède peut-être.

Nous avons trouvé, plus encore, nous avons été trouvés par l’amour du Seigneur et plus nous nous laissons toucher par son amour dans la vie sacramentelle, dans la vie de prière, dans la vie du travail, du temps libre, plus nous pouvons comprendre que oui, j’ai trouvé la perle véritable, tout le reste ne compte pas, tout le reste n’est important que dans la mesure où l’amour du Seigneur m’attribue ces choses. Je ne suis riche, je ne suis réellement riche et « en haut » que si je suis dans cet amour. Trouver là le centre de la vie, la richesse. Puis laissons-nous guider, laissons la Providence décider de ce qu’elle fera de nous.

Il me vient à l’esprit une petite histoire de sainte Bakhita. Cette belle sainte africaine, qui était esclave au Soudan, puis a trouvé la foi en Italie, est devenue religieuse, et alors qu’elle était déjà âgée, l’évêque effectua une visite dans son monastère, dans sa maison religieuse. Il ne la connaissait pas. Il vit cette petite sœur africaine, déjà courbée, et il dit à Bakhita : « Mais vous, que faites-vous ma sœur ? » ; Bakhita répondit : « Je fais la même chose que vous, Excellence ». L’évêque surpris, demanda : « Mais quoi donc ? » et Bakhita répondit : « Mais Excellence, nous voulons tous deux faire la même chose, faire la volonté de
Dieu ».

Cela me semble une très belle réponse. L’évêque, et la petite sœur qui ne pouvait pratiquement plus travailler, faisaient, dans des situations différentes, la même chose. Ils essayaient de faire la volonté de Dieu et ils étaient ainsi à leur juste place.

Il me vient aussi à l’esprit une parole de saint Augustin qui dit : Nous sommes tous toujours uniquement des disciples du Christ et sa chaire est la plus élevée, parce que sa chaire est la croix et seule cette hauteur est la véritable hauteur, la communion avec le Seigneur, même dans sa passion. Il me semble que si nous commençons à comprendre cela, dans une vie de dévouement, pour le service du Seigneur, nous pouvons nous libérer de ces tentations très humaines. ( source : génération Benoît XVI)



Lundi 10 Octobre 2011
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