Quand on parle de l’amour, du couple, du mariage, ce sont pratiquement toujours les jeunes filles qui me posent cette question. Cela n’est pas surprenant, quand on sait le besoin de sécurité affective de la femme et la place que les sentiments tiennent chez elle dans sa relation de couple.
Mon premier soin est donc de leur expliquer la différence qu’il y a entre le bon choix et…bon choix. Si la solidité d’un couple était lié au fait que l’on a réussi à identifier le « profil idéal » d’un éventuel conjoint et ensuite, muni de ce portrait robot, que l’on a déniché un spécimen disponible, le combat serait perdu d’avance. En effet, le profil ne pourrait être établi que sur les bases de données liées aux divers conditionnements des candidats recherchés, milieu social, instruction, goûts, moyens économiques, caractère, que sais-je ? Ce qui ne préjugerait en rien de l’usage que l’impétrant ferait toute sa vie de son libre arbitre. En outre, il y aurait probablement, sur quelques milliards d’individus, quelques dizaines de prétendants, conformes au portrait robot, mais disséminés sur la planète et réalistement inaccessibles.
Que nous dit l’expérience sur ce qui fait un couple solide ? C’est qu’il y a un bon choix à faire effectivement parmi ceux que la vie nous fera croiser à un moment où l’on est disposé et disponible pour le mariage. Ces rencontres sont, pour les uns, le fait du hasard, mais, pour les croyants, liées à l’action providentielle. C’est parmi ces personnes rencontrées que peuvent se présenter des « bons choix » potentiels. Il faut donc se poser des questions, si l’un ou l’autre retient l’intérêt, pour quelque raison que ce soit. Les questions sont relatives à la maturité, à la profondeur, aux valeurs morales (davantage qu’à la pratique religieuse, qui peut se révéler très formelle et routinière), à l’équilibre de la personnalité.
Si ce premier examen est positif et si l’intérêt semble réciproque, il faudra se poser d’autres questions relatives à un projet de vie qui soit cohérent pour le couple et qui concerne l’accueil de la vie, l’éducation des enfants, la place de l’argent et des loisirs, la vie spirituelle et culturelle. Il est clair que ces interrogations et le « traitement » des réponses exigent une lucidité qui n’est pas compatible avec un état passionnel, où l’affectif et le pulsionnel ne sont pas contrôlés par la volonté et la raison.( Ce qui n'empêchent pas les sentiments, mais les consolide!)
C’est pourquoi, comme notre société favorise la banalisation de la sexualité et stimule les pulsions, comme la coéducation facilite l’éclosion beaucoup trop précoce des sentiments amoureux, comme la cohabitation a remplacé les fiançailles, il y a autant de couples qui se brisent, les vraies questions n’ayant pu être posées à temps et dans un climat de maîtrise de soi. Quand on est « ensemble », comme ils et elles disent, on n’est déjà plus libre de faire un « bon choix ». Il n’est pas inutile de rappeler que le sacrement de mariage exige que l’engagement soit justement libre. cf Que dire aux jeunes destabilisés par la cohabitation ?
Il n’est pas non plus inutile de rappeler que l’attrait sexuel et l’attirance sentimentale sont de l’ordre des conditionnements et qu’ils ne sont pas tout l’amour. Ils n’en feront partie qu’à condition que le vrai amour soit en place. L’amour est un acte libre qui mobilise l’intelligence pour discerner le Bien de soi et plus encore de l’autre et la volonté de s’engager au Bien de l’autre. Avant l’engagement, on peut avoir un désir tout ce qu’il y a de plus sincère de s’aimer mais on ne s’aime pas encore. C’est l’engagement devant témoins qui donne le top de départ de l’amour vrai et cet engagement ne peut être que définitif. Et c’est parce que l’amour vrai est exigeant, qu’il est don total, ce qui implique le par-don, c’est-à-dire le sommet du don, que Dieu s’engage dans cette alliance par un sacrement pourvoyeur de grâces, d’autant plus que l’on prolonge cette alliance par l’eucharistie et la réconciliation. C’est tout cela, le « bon choix ».
Ma fille m’a annoncé son mariage. Or je la trouve trop jeune. Puis-je la faire attendre ?
Le mariage est un engagement définitif entre deux personnes, qui ont décidé de fonder un foyer pour accueillir la vie, éduquer des enfants, grandir dans l’amour conjugal et, pour les chrétiens, dans la sainteté. Il est clair qu’un tel engagement requiert une réelle maturité de la part des candidats et ceci d’autant plus que l’avenir ne leur appartient pas, avec son lot d’épreuves et de difficultés diverses.
La maturité dépend évidemment de l’âge mais de façon variable selon les personnes. Tous ceux qui ont eu des enfants ou, par leur métier ou leurs actions de bénévolat, côtoyé des jeunes garçons et filles le savent bien. La prolongation des études, payées le plus souvent par les parents, venant après une adolescence pendant laquelle l’argent de poche a été considéré comme un dû, ne favorise pas la maturation des personnalités. La mentalité contraceptive et la cohabitation juvénile ont largement contribué à banaliser la sexualité et à faire perdre tout sens de la responsabilité devant la question du don de la vie notamment chez les garçons.
Ceci posé, revenons à la question de l’âge de votre fille mais posons la non en terme d’années réellement vécues depuis sa naissance mais en terme d’années postérieures à la période de l’adolescence. Autrement dit, premièrement, est-elle sortie de cette phase où l’on est abusivement influençable par la bande, les idées à la mode ou les relations douteuses ? A-t-elle acquis esprit critique au sens vrai du terme, autonomie de discernement et de jugement, stabilité dans ses opinions ? En second lieu, est-elle sortie de cette phase où l’ego est surdimensionné, où l’esprit de contradiction donne l’illusion d’être devenu adulte, où les émotions restent incontrôlées ? Est-elle une adolescente prolongée ou une fille, jeune encore, mais depuis déjà suffisamment longtemps en train de construire un projet de vie ?
Si c’est le cas, elle a pu se poser vis-à-vis de celui avec lequel elle désire faire sa vie les questions préalables à l’engagement du mariage, ces questions qui apparaissent, bien à tort, secondaires quand on vit avec l’autre cet état passionnel, fait d’affectif et de charnel, qui procure une ivresse temporaire suivie le plus souvent d’amères désillusions.
Ces questions amicales sont relatives à ce qui donne un sens à toute une vie, respect de soi-même et respect de l’autre, compréhension des vocations respectives de l’homme et de la femme, de l’époux et de l’épouse, du père et de la mère. Elles concernent la vie morale, la place que l’on donne aux biens matériels, la conception de l’amour authentique, la réflexion sur le mal et sur la mort. Et bien évidemment elle a pu évaluer le degré de maturité de l’autre en lui posant toutes ces questions et en voyant s’il les élude ou les prend en considération, si le dialogue est possible et permet de construire à deux un premier projet de vie qui tienne la route.
Les positions religieuses de l’un et de l’autre font partie des questions importantes mais il faut admettre que la Foi est un don de Dieu et qu’une personne peut être fiable, respectable et digne d’amour, sans partager nos convictions catholiques. Encore faut-il que le problème soit abordé avec lucidité et réalisme, ce qui requiert la maturité. Nous connaissons tous des couples, qui se sont mariés jeunes et qui ont tenu contre vents et marées. Il y a toujours eu des jeunes filles, et je pense qu’il y en a toujours, qui ont très tôt l’intuition qu’elles épouseront tel garçon, qui prennent le temps de l’attendre… et de l’apprivoiser et qui, l’ayant amené au mariage, sauront tout faire pour le garder. Il y a donc des jeunes filles de seize dix sept ans, dans lesquelles on peut déceler de futurs épouses et mères solides ! c’est bien plus encore à leur comportement qu’on les voit, dans la vie quotidienne. C'est aussi dans la capacité à s'assumer seule, dans la période de l'attente, dans une préparation qui inclut aussi une autonomie financière, affective, intellectuelle.
L’important est donc de préparer les jeunes filles au mariage. Qu’elles se marient ou non, qu’elles se marient tôt ou tard, l’important est que toutes les questions touchant la vie aient été abordé progressivement avant et pendant l’adolescence, pour que les habitudes de dialogue aient été prises sans qu’il puisse y avoir de sujet tabou. C’est dans cette continuité d’échanges et dans le comportement que l’on pourra apprécier si la jeune fille est mature, quel que soit son âge. Lorsque la question se posera sérieusement, le dialogue et la présence d'une réelle maturité rassureront les parents bien plus que toute intervention " autoritariste" ou " alarmiste" vouée par nature à l'échec. Quoi de plus rassurant aussi pour les enfants que de pouvoir s'appuyer alors sur leurs parents dans un échange déjà en place depuis longtemps?
D’où vient l’épidémie du divorce, qui touche tous les âges, tous les milieux sociaux, et, ce qui est inquiétant, même les chrétiens pratiquants ?
On me pose bien souvent la question et, s’il n’est pas étonnant que le divorce accompagne la déchristiannisation du plus grand nombre, le fait que l’épidémie contamine également le petit pourcentage des chrétiens, restés pratiquants, oblige à réfléchir en profondeur avant de répondre. En effet, celui qui bénéficie des grâces données dans les sacrements n’est certes pas à l’abri des tentations ni des faux pas, mais de là à briser un couple, à causer des blessures graves au conjoint et aux enfants, il y a là un fossé à franchir qui, avec l’aide du temps nécessité par une telle décision, devrait permettre à l’intéressé de faire demi tour.
Plus j’y pense, plus il me semble que la difficulté de s’engager dans le mariage est en corrélation avec la difficulté à répondre à une vocation religieuse ou sacerdotale et, de même, que l’épidémie du divorce dans les milieux catholiques pratiquants est en corrélation avec les départs de consacrés et de prêtres. Or nous sommes en 2008, 40 ans après mai 68, et les ruptures de prêtres et de consacrés touchent des hommes et des femmes dont la vocation est née dans une mouvance spirituelle aux antipodes des chrétiens soixanthuitards, voire dans une mouvance « tradi ».
Or, que nous dit Jean Paul II dans l’exhortation apostolique « Pastores dabo vobis » ? La formation humaine est le fondement de toute la formation sacerdotale. Et le Pape de consacrer les numéros 43 et 44 de cette exhortation à développer ce thème. Il parle de la nécessaire « construction de personnalités équilibrées, fortes et libres », de « l’éducation à l’amour de la vérité, à la loyauté, au respect de toute personne, au sens de la justice, à la fidélité à la parole donnée…à la cohérence et en particulier à l’équilibre du jugement et du comportement ». Il insiste sur la maturité affective, sur l’authentique éducation sexuelle, la maîtrise de soi, le service du prochain et la formation de la conscience morale".
Or nous retrouvons dans cette liste les fondements nécessaires au mariage, qu’il soit ou non couronné par le sacrement ou Dieu fait alliance avec le couple qui s’engage. Autrement dit, une fois de plus, le surnaturel s’appuie sur le naturel et la grâce ne fait pas l’économie de la nature. Comme il a raison ce prêtre versaillais, qui secoue vigoureusement les jeunes cathos pratiquants qui, le samedi soir, témoignent dans les soirées de leur immaturité affective, de la non structuration de leur conscience morale, de leur non respect de la personne de l’autre, dont ils savent bien qu’il s’agit d’un enfant du Père, d’un frère ou d’une sœur du Christ, d’un temple de l’Esprit Saint. Que les familles catholiques pratiquantes s’interrogent sur la place de l’argent, des loisirs, des portables et des jeux vidéo, dans leur existence ! Qu’elles forment leurs enfants, dès leur plus jeune âge, à la droiture, au courage, au travail, au respect, bref, à tout ce qui contribue à permettre l’éclosion de personnalités, matures, solides. Certes, les parents n’ont pas obligation de résultats, mais ils ont obligation de moyens.
Introduire le pardon
L'épidémie de divorce se répand aussi par une répétition de ce qui a été vu et vécu : combien de jeunes se sont dit : " Je ne ferai pas comme mes parents, je ne divorcerai pas"....et font de même. Cette répétition des situations de divorce peut être stoppée par un pardon donné, une réflexion plus profonde sur la vie morale. Actuellement, il est dans "l'air du temps" de dire qu'il n'y a pas de bien, ni de mal, car ces notions sont reliées à Dieu et à la conscience. Former la conscience permet d'éviter le mal moral du divorce, connaître Dieu et son pardon permet de perséverer dans la fidélité et de croire que cette fidélité est possible. Le pardon donné aux parents pour les souffrances engendrées par leur divorce ( séparation, doute fondamental sur l'amour, solitude, instabilité) permettra de rompre la chaîne de répétition et de repartir sur une espérance nouvelle, fondée sur la fidélité du Christ.